L'homme, prétend-on volontiers, est avide de vérités. Mais on déplore aussi qu'il soit trop fréquemment victime de préjugés, et dans les domaines les plus variés. En être "victime" implique que les préjugés nous font quelque tort, mais cela ne suffit nullement à les faire s'évanouir. C'est donc qu'ils présentent des "qualités" qui les rendent attirants. Et leur séduction risque d'être suffisamment efficace pour que, si l'un disparaît, un autre vienne rapidement le remplacer. Tout semble se passer comme si les progrès, incontestables, de la connaissance, ne suffisaient, ou ne pouvaient suffire, à nous débarrasser de préjugés d'autant plus envahissants qu'ils sont dotés du poids d'une opinion collective et peuvent de la sorte, indépendamment de leur contenu, donner à celui qui les adopte le sentiment d'appartenir à un groupe et d'en recueillir davantage de présence ou de respectabilité.
[...] Il est simplement à craindre qu'il ne soit jamais exhaustif, ou qu'après s'être débarrassé d'un préjugé parce qu'on a constaté qu'il ne recouvrait qu'une profonde méconnaissance, on en adopte, sur un autre sujet, un nouveau, parce qu'on n'aura pas eu le temps de réfléchir à ce qu'il concerne. [Conclusion] En finir avec les préjugés supposerait un accès à toutes les vérités, ou l'aveu de ce qui reste ignoré. Dans la première hypothèse, c'est l'histoire même des sciences qui montre que cet accès n'est pas concevable, puisque les vérités, outre qu'elles ne sont pas toutes établies, se modifient. Quant à avouer qu'on ne sait pas, ce serait sans doute, non seulement une belle preuve d'honnêteté intellectuelle ou morale, mais le début d'une attitude philosophique. [...]
[...] Au classique Ça ne veut rien dire! qui prétend interrompre une discussion sur l'art abstrait, on entendra répondre que Depuis l'invention de la photographie, la figuration n'est plus nécessaire - mais tout le monde sera d'accord pour constater que des goûts et des couleurs, on ne discute pas Il n'est pas difficile de pointer dans ces préjugés les reflets d'ignorances, mais aussi de conscience de classe. Il en va de même, plus clairement si possible, avec les préjugés politiques: si d'un côté le peuple a toujours raison de l'autre on doit faire confiance aux spécialistes» (sans oublier que les politiciens sont éventuellement tous pourris [C. [...]
[...] Il affirme donc sans véritable savoir, en fonction d'une apparence d'évidence qui n'est aucunement mise en cause. Ainsi, les préjugés, quel que soit le domaine qu'ils concernent, sont affirmés sur le mode du il va de soi que il est évident que, c'est naturel ou normal d'admettre ceci ou cela, tout le monde sait que . Il ne s'agit pas ici de préjuger un résultat en l'anticipant plus ou moins judicieusement, mais d'adhérer à une opinion qui se fonde, au mieux, sur une expérience, personnelle ou généralement collective, que l'on interprète de manière au moins discutable pour en déduire ce qui est annoncé comme certitude incontestable. [...]
[...] Peut-on en finir avec les préjugés ? [Introduction] L'homme, prétend-on volontiers, est avide de vérités. Mais on déplore aussi qu'il soit trop fréquemment victime de préjugés, et dans les domaines les plus variés. En être victime implique que les préjugés nous font quelque tort, mais cela ne suffit nullement à les faire s'évanouir. C'est donc qu'ils présentent des qualités qui les rendent attirants. Et leur séduction risque d'être suffisamment efficace pour que, si l'un disparaît, un autre vienne rapidement le remplacer. [...]
[...] Mais il n'est pas démontré que les philosophes soient capables d'échapper aux préjugés. [...]
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