Depuis plusieurs décennies déjà, on observe une marchandisation de la vie humaine, que cela soit par la course aux brevets sur le génome humain qui soulève des sommes astronomiques, ou par l'indemnisation du dommage résultant de la naissance avec un handicap, comme l'arrêt Perruche l'a démontré. Dans tous les cas, les questions relatives à la vie humaine et au corps humain soulèvent bien de débats du fait de leur lien étroit avec l'éthique et la morale. Des « oscillations de la morale », selon les termes de Jean Carbonnier, sont observées de manière cyclique, et elles ont des conséquences directes sur le Droit. Nous nous concentrerons ici moins sur l'importance croissante de la vie humaine sur le marché que sur les questions d'extra-commercialité de son propre corps. Faire commerce de son corps signifie en effet céder une partie de son corps (organes, sang, sperme, ovules…) ou de proposer des services directement liés à son corps (prostitution, mères porteuses, cobayes…) en échange d'une rémunération. Cela revêt une dimension toute particulière car il relève a priori du droit de chacun à disposer de son corps. Il semblerait naturel que le Droit n'intervienne pas dans ce domaine privé voire intime. Des principes et des notions juridiques s'opposent, tout comme des conceptions philosophiques et morales, c'est pourquoi il est difficile au Droit de s'adapter de manière stable et durable en respectant les convictions de tous. On peut d'ailleurs noter une grande différence entre les pays concernant ces questions de commercialité du corps. Des pays beaucoup plus libéraux, comme les Etats-Unis ou le Canada, autorisent des pratiques formellement prohibées en Europe pour des raisons éthiques, comme par exemple la rémunération des dons d'organes. Au sein de l'Union européenne, les droits nationaux ne sont pas réellement harmonisés. On peut encore noter de grandes différences dans l'approche de problèmes éthiques car ils restent encore très liés à la société nationale. C'est le cas notamment de l'activité de prostitution : certains pays, comme la France, ont une approche plutôt abolitionniste, d'autres, comme l'Allemagne et les Pays-Bas, plutôt réglementariste. L'Union européenne se contente alors d'énoncer des principes juridiques sans édicter des principes moraux. Différentes instances à différents niveaux du Droit statuent régulièrement sur les problèmes de commercialité du corps. On peut alors se demander dans quelle mesure le droit nous autorise t-il à faire commerce de notre corps. Quels principes et notions juridiques rentrent en confrontation et comment les Etats, en particulier la France, s'accommodent-ils face à ces questions sensibles ?
[...] Peut-on faire commerce de son corps? Depuis plusieurs décennies déjà, on observe une marchandisation de la vie humaine, que cela soit par la course aux brevets sur le génome humain qui soulève des sommes astronomiques, ou par l'indemnisation du dommage résultant de la naissance avec un handicap, comme l'arrêt Perruche l'a démontré. Dans tous les cas, les questions relatives à la vie humaine et au corps humain soulèvent bien de débats du fait de leur lien étroit avec l'éthique et la morale. [...]
[...] Tout d'abord, concernant les cobayes humains. Contrairement aux pays anglo-saxons, les personnes peuvent se présenter comme cobayes auprès des industries pharmaceutiques seulement après de nombreux tests en laboratoire sur les produits et les médicaments en question. Une commission doit autoriser ensuite le test sur les êtres humains. Toutefois, la question de la rémunération ou de l'indemnisation pose question. La loi a fixé des limites afin d'éviter trop de dérives : un plafond financier (ce n'est pas le cas aux Etats-Unis) de 3800 par an et la possibilité de ne suivre que deux protocoles dans le même temps. [...]
[...] Un cas similaire est celui de certaines banques de sang de cordon ombilical. Certaines font partie de complexes hospitaliers, mais d'autres sont privées et offrent des rémunérations. La logique du don ne semble alors pas respectée. Le Groupe européen d'éthique a rendu un avis sur cette question le 16.03 .04), critiquant l'ouverture de cette activité au secteur commercial dès lors que les banques privées n'offrent pas un service utiles en termes de possibilités thérapeutiques Le Comité national français a fait de même, pourtant un statu quo semble s'être formé. [...]
[...] La prohibition de l'extra-commercialité du corps humain a de nombreuses traductions dans la pratique. Tout d'abord, dans le domaine de la recherche scientifique et de la bioéthique : les dons de toute partie de son corps (organe, sang, sperme, ovules ) doivent non seulement être consentis par la personne concernée (la question ici est le commerce de son propre corps), mais doivent également être gratuits. Aucune indemnisation ou rémunération ne saurait être autorisée, comme le rappelle la nouvelle législation relative à la bioéthique de 2004, et selon le Code de santé publique, art L. [...]
[...] Cependant, des évolutions se font ressentir suivant ces oscillations que mentionne Jean Carbonnier entre phases de libéralisme et de conservatisme. La pression à l'adaptation à la logique de marché est forte. De nombreux pays y ont déjà cédé (surtout les pays anglo-saxons) et nous pouvons voir qu'en France également, des situations sont plutôt ambiguës au regard de la loi. Bibliographie La nouvelle législation concernant les prélèvements d'organes à visée thérapeutique et à visée scientifique par Cécile Manaouil in Petites Affiches La vie humaine mise sur le marché ? [...]
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