De nos jours, tout objet se vendant cher dans une galerie est considéré comme une œuvre d'art en tant que telle : notre société de consommation a pour échelle de valeur celle de son porte-monnaie. On ne cherche plus l'art en tant que beauté mais en tant qu'incitation à la réflexion de l'esprit. L'art n'est plus esthétique mais philosophique. Il devient donc important de se poser la question : Peut-on expliquer une œuvre d'art ? En a-t-on la capacité, dans quels domaines ? En a-t-on seulement le droit ?
Ainsi nous verrons tout d'abord en quoi il est possible d'expliquer le pourquoi d'une œuvre d'art : la dimension historique de l'œuvre, le contexte dans lequel elle s'inscrit…mais est-ce le seul domaine où une part d'explication est possible ?
Nous aborderons par la suite l'explication de la forme que prend l'œuvre : le travail technique réalisé avant sa constitution, la symbolique, les règles des différents mouvements artistiques…mais qu'en est-il du fond de l'œuvre, de son sens profond : peut-on l'expliquer ? En a-t-on seulement le droit ?
Nous terminerons donc par la notion de mystère qui entoure une œuvre d'art et nous verrons que l'expliquer, c'est en quelque sorte la démystifier : dès lors, même si l'explication est possible, ne vaut-il pas mieux laisser une place à l'interprétation personnelle plutôt que de figer le sens en le considérant pour vrai ? La notion de paradigme qui fait avancer la science s'applique-t-elle également à l'art ?
[...] Mais au-delà de la création elle-même, peut-on commenter la forme d'une œuvre d'art ? De même que la science avance de paradigmes en paradigmes, l'art suit des courants artistiques. Ainsi, la plupart des œuvres d'art s'inscrivent dans un courant bien particulier. Ces courants suivent des règles plus ou moins formelles que l'artiste a pu plus ou moins transgresser. Chaque refus des règles entraînant la création d'un nouveau courant artistique. L'exemple le plus notable fut bien évidemment l'art classique. Ce courant demandait en effet que des règles très strictes soient observées. [...]
[...] Cela explique les remarquables descriptions littéraires de Kandinsky sur la tonalité affective des couleurs. Michel Henry propose donc, pour comprendre la donation originaire de l'œuvre d'art, de partir de l'expérience proprement affective de l'artiste et il en trouve une remarquable chez Kandinsky : Kandinsky y mentionne un voyage à la petite ville allemande médiévale de Rothenburg-ob-der-Tauber, voyage qui l'impressionna beaucoup et au retour duquel il peignit un merveilleux tableau, encore figuratif : La Vieille ville. s'en suit une description très colorée et pleine d'entrain d'un coucher de soleil. [...]
[...] La valeur longue de l'attaque, bien appuyée sur le temps fort, avec un accompagnement brillant, ainsi que les dénégations hoquetantes simplement aspergées qui suivront no no no donnent bonne humeur à cette révolte, tout en soulignant, non sans profondeur, que le mauvais maître engendre la malice du serviteur ! Puis, pour annoncer la pleutrerie de sa fuite, de brèves formes en deux croches noire, alternées entre cordes et chant, imitent giocoso les regards effarés du valet qui, pressentant quelque chose, songe, par prudence à se cacher. Voilà ce qu'une scène sans importance pour l'histoire et durant moins d'une minute peut receler en interprétation. Et ce n'en est qu'une possible ! [...]
[...] Si au contraire aucune explication ne guide le novice, celui-ci se perdra dans les méandres de l'œuvre. Ceci est d'autant plus vrai que la tendance actuelle de l'art est la privilégisation de la spiritualité aux dépens de l'esthétisme. Ainsi, une certaine forme d'explication est nécessaire, mais la totalité, si elle est réalisable, n'est pas forcément souhaitable. Mais n'est-ce pas la plus grande puissance de l'art que de garder dans ces œuvres une part de mystère inéluctable ? [...]
[...] Lui expliquer intégralement l'œuvre, c'est faire perdre son intérêt à l'art. Dès lors, comment guider les non-initiés à l'art sans leur faire perdre le goût de la découverte ? L'alternative à l'explication intégrale d'une œuvre est l'interprétation. Elle peut-être personnelle ou guidée par des lectures, desquelles on retire ce qui nous intéresse et qui nous convient. Cela évite de dogmatiser l'œuvre. Un bon exemple d'interprétation d'une œuvre peut être effectué sur Don Juan de Mozart. L'interprétation de l'arrivée de Leporello dans l'acte I scène I relève de l'art de décrire musicalement un personnage. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture