Il n'est pas rare d'assister ou de participer à une discussion où, confrontant notre point de vue avec quelqu'un quant à un domaine donné, nous n'arrivons pas à nous mettre d'accord avec l'interlocuteur ou même à réussir à produire un échange d'idées et où chacun, campant sur ses positions, en vient à dire ou à penser "A chacun sa vérité.
Cette expression pose néanmoins un premier problème dans la mesure où chacun a en effet un point de vue et des opinions propres, mais la question est de savoir si c'est bien de vérité dont il s'agit alors, chacun aimant se mettre de son côté afin de prétendre à une justesse de son point de vue sans pourtant définir ce qu'il entend par vérité.
Il y aurait ici un possible abus de langage et une confusion entre plusieurs notions. Si chacun réclame la vérité pour lui, alors on a affaire à une multiplicité de vérités contradictoires, et alors la vérité n'a plus de sens. Ceci amène à prendre conscience d'un deuxième problème : l'insatisfaction et la fuite qu'impliquent le fait de soutenir "A chacun sa vérité" devant la possibilité objective de la vérité.
[...] Ce n'est pas satisfaisant car bien souvent, cette sentence est brandie alors qu'existe peut-être la possibilité d'un accord intersubjectif autour d'une vérité objective et commune. La vérité se définit comme l'accord du jugement produit par l'esprit sur les choses avec les choses elles-mêmes. Cette recherche d'une adéquation et sa confrontation objective avec la réalité rend difficile l'idée de relativité subjective du vrai. C'est que la vérité n'est pas d'abord subjective : la vérité a un sens et une valeur opératoire essentiellement dans le domaine de la science, qui s'élabore et est effective de manière objective, sans contestation rationnelle possible des individus. [...]
[...] Or, la sensation ne permet pas de fonder la vérité et ne se confond pas avec elle. - à partir de cette confusion opérée dans la perception, dont les individus n'ont pas conscience, le même mécanisme opère dans la vie sociale des hommes. Chacun a une opinion et chacun décrète que cette opinion est juste ; or, l'autre procède de la même manière ; dès lors, le juste s'oppose au juste, le vrai s'oppose au vrai ; les notions de juste et de vrai n'ont donc plus de sens. [...]
[...] Il y a une confusion générale entre les notions de préjugé, de vérité et d'opinion. Alors que la vérité exige de produire un jugement sur les choses, de donner les raisons de ce jugement et de le confronter à la réalité pour le déclarer vrai, l'opinion est satisfaite d'elle-même et ne donne pas ses raisons ; elle ne relève pas tant de la rationalité que de son apparence et dépend pour beaucoup du sentiment. La contradiction logique de la proposition a chacun sa vérité et la vérité subjective comme idée hâtive et sans critique - on peut toujours, de fait, soutenir la maxime à chacun sa vérité c'est à la portée de tout le monde. [...]
[...] Il faut assumer l'ordre dans lequel chacun se trouve, et assumer en dernière analyse la relativité du vrai à un domaine donné ; l'hygiène de la relativité du vrai entre science et religion ; on a ici une manière légitime et éthique de soutenir a chacun sa vérité * référence : François Jacob, Les jeux des possibles, Avant-propos, Fayard L'exigence éthique de dire à chacun sa vérité en matière de religion Le principe de tolérance ; le nouveau sens du chacun : le chacun n'est plus ici une personne en particulier, mais un groupe de croyants ; il y a autant de vérité révélée que de religions ; l'interprétation en matière de religion permet en revanche de remotiver dans un autre sens, éthiquement souhaitable, la maxime a chacun sa vérité pour l'individu : ex, dans le protestantisme, chacun se doit d'interpréter et de recevoir le texte sacré en l'intériorité de sa foi. Le jugement de goût : à chacun sa vérité ? Le domaine esthétique est le dernier champ dans lequel on peut soutenir que chacun a la possibilité, dans le jugement de goût, de produire une proposition qui lui est propre. Ceci dit, il ne s'agit pas de vérité dans la mesure où celle-ci demande toujours une certaine adéquation entre le type de jugement produit et la réalité qui est l'objet de ce jugement. [...]
[...] Peut-on dire "À chacun sa vérité" ? Il n'est pas rare d'assister ou de participer à une discussion où, confrontant notre point de vue avec quelqu'un quant à un domaine donné, nous n'arrivons pas à nous mettre d'accord avec l'interlocuteur ou même à réussir à produire un échange d'idées et où chacun, campant sur ses positions, en vient à dire ou à penser à chacun sa vérité Cette expression pose néanmoins un premier problème dans la mesure où chacun a en effet un point de vue et des opinions propres, mais la question est de savoir si c'est bien de vérité dont il s'agit alors, chacun aimant se mettre de son côté afin de prétendre à une justesse de son point de vue sans pourtant définir ce qu'il entend par vérité. [...]
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