« Taisez-vous nature imbécile, apprenez que l'homme passe infiniment l'homme », cette phrase de Pascal extraite des Pensées introduit dans le terme même d'homme une transcendance qui serait incompréhensible pour l'homme lui-même. Cette transcendance est habituellement donnée à Dieu, par une croyance en son existence. Pourquoi alors « croire en l'homme » ?
Son existence est une donnée de fait ; comment serait-elle l'objet d'une foi ? La croyance n'est nécessaire, et d'ailleurs possible, que là où le savoir fait défaut. Mais l'existence de l'homme ne laisse nulle place au doute, ni donc à la foi. De fait, s'agissant de l'homme, la question ne porte pas sur son existence, mais sur sa valeur, ou sur son essence - non sur le fait qu'il soit, mais sur ce qu'il est et, surtout, ce qu'il vaut.
Comme le dit Merleau-Ponty dans son ouvrage "Phénoménologie de la perception " : "L'homme est une idée historique et non pas une espèce naturelle ". Mais revenons d'abord sur le terme même de croire, il est moins que savoir. Croire, c'est penser comme vrai, sans pouvoir absolument le prouver. Alors que « croire en une chose » c'est lui accorder une adhésion intellectuelle et morale, être persuadé de son existence. Par extension même : avoir confiance en quelqu'un, compter sur lui.
[...] Croire au concept d‘homme, relève alors d‘une subjectivisation par le nécessaire recours à une transcendance. Néanmoins une telle conviction reste indispensable pour penser le devenir de l‘homme sans être pris dans un nihilisme alimenté par les guerres et les drames humains. Comme le disait Alain La religion consiste à croire par volonté, sans preuve et même contre les preuves il faut alors croire en l‘homme comme idéal régulateur en dépit de la pratique et de la réalité. La croyance en l'homme permet alors le surgissement de l'Être dans un arrachement de l'humain face à l'absurdité de son existence guidée par un transcendant. [...]
[...] Car l'homme qui veut donner un sens à lui-même et à sa vie, cherche un substitut (ici non pas du père comme le disait Freud mais de Dieu lui-même). Mais croire en l'homme n'est ni plus ni moins qu'inventer une nouvelle religion dans laquelle l'homme se fait Dieu. Dans les deux cas, il s'agit d'une espérance, d'un idéal, d'une projection, d'un transfert. Cette expression est de fait ambiguë : même si la foi en l'homme est refus de Dieu, elle est encore foi, avec l'aspect religieux et idéaliste que ce terme comporte. [...]
[...] Cette réalité transcendante apparait à la fois comme mystérieuse, effrayante et salvatrice, c'est-à-dire sacrée. La conception du divin doit être immanente. L'homme devrait alors représenter pour l'homme cette possibilité d'échapper au vécu immanent et ordinaire pour se plonger dans le vécu sacré et transcendant. Il se dépasserait lui-même par une réflexion rétrospective sur son être. Mais pourquoi l'homme aurait-il nécessairement besoin de croire ? La croyance lui accorde le sentiment d'une présence efficace d'un être supérieur qui s'occupe de nous. [...]
[...] Croire en l'homme, dans un projet très humaniste, consisterait alors à le placer au centre de notre système de valeur, place ordinairement occupée par un ou des dieux. L'acte de foi en l'homme est donc lié à un refus de croire en Dieu. Il est tenu pour une illusion, incapable comme telle de rendre raison de l'existence du mal. On restitue donc à l'homme le pouvoir de faire son propre salut. Comme le disait Nietzsche en frappant au marteau l'idole éternelle Dieu est mort La croyance en l'homme serait alors la conséquence de cette perte. [...]
[...] Mais le risque d'égoïsme et d'individualisme en résulte : gardez-vous bien de vous croire trop vous-même Fénelon. [...]
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