Le verbe « connaître » est un verbe équivoque. Il a une multitude d'acceptions qui varient selon le contexte. Dans le cadre du rapport à autrui, les sens adéquats du verbe peuvent être les faits d'avoir une idée pertinente d'une chose, de quelqu'un, de savoir l'identité de quelqu'un, d'avoir des relations avec quelqu'un, d'apprécier et comprendre le caractère de quelqu'un ou encore, d'avoir une juste notion de soi-même ainsi que des autres. Une des difficultés de la question est liée à l'utilisation de ce verbe. En effet, on ne peut être sûr de connaître autrui. En principe, une connaissance, comme un savoir, est vérifiée, prouvée et acceptée par l'opinion unanime. Or, jugeant autrui selon mon expérience, et mes affinités, il est complexe de certifier le connaître. Il est difficile d'envisager connaître celui qui diffère de moi, celui qui n'est pas moi. La question plus essentielle susceptible de se poser serait de savoir comment mettre de côté mes convictions, mes opinions et mon expérience pour juger et me forger une connaissance juste de l'Autre. Est-ce possible ? Pouvons-nous penser autrui autrement qu'à partir de nous-même ? Pouvons-nous par là, accéder à la connaissance d'autrui ?
[...] Nous avons vu dans une première partie dans quelle mesure nous pouvions affirmer que nous étions capables de nous abstraire de nos rapports avec autrui, dans le sens où, nous pouvons éviter de tout rapporter à nous dans une relation avec l'Autre. Nous avons ensuite exposé certaines raisons pour lesquelles nous ne pouvons faire autrement que de penser autrui à partir de nous. Dans un dernier temps, nous avons contesté l'essence même de l'interrogation en apportant une réponse à la question de la nécessité de connaître autrui. [...]
[...] Cette idée, résultat d'une longue tradition judéo-chrétienne, est qu'il faut respecter autrui car il est notre semblable. En effet, selon Kant, il faut respecter l'Autre comme notre semblable car comme nous, il est une personne, un être libre, capable de se déterminer par la raison. Ce qui peut nous empêcher de considérer autrui sans passer par nos valeurs et notre conception du monde est le fait que depuis notre plus jeune âge, on nous répète qu'il ne faut pas faire aux autres ce que l'on ne voudrait pas que les autres nous fassent, l'idée est la même. [...]
[...] La communication humaine en elle-même, le dialogue, suppose une difficulté quant à l'abstraction de soi, et encore plus quant à la connaissance d'autrui. Il se pose principalement deux problèmes, le premier est l'éventuelle différence de langue qui peut exister entre individus, le second est que, même si nous partageons la même langue, nous ne l'utilisons pas de la même façon. Un mot qui signifiera telle chose pour autrui n'aura pas le même sens, le même degré, ni la même connotation pour moi. [...]
[...] Cette autre caractéristique double donc en quelque sorte, le problème posé par l'interprétation personnelle du langage de l'autre, mais aussi par le langage que je dois adopter pour faciliter l'échange. Bien qu'il soit possible d'admettre que nous pouvons d'une certaine manière avoir une idée, plus ou moins juste, d'autrui tout en étant encerclé par une multitude de limites, et d'objections, il semble vain de se demander si l'on peut connaître autrui, ou encore envisager le connaître. L'essence d'autrui est-elle de m'être connu ? Est-il vraiment nécessaire d'avoir une connaissance d'autrui ? Est-ce que ce ne serait pas enlever le principe premier d'autrui d'assurer le connaître ? [...]
[...] Il semble au terme de la réflexion, impossible de prétendre pouvoir connaître autrui. On peut tout au plus, le connaître dans le cadre bien défini d'une relation : mère/fille, frère/soeur, ami/ami par exemple. Il demeure cependant non-envisageable d'oser certifier connaître un être humain autre que nous dans sa totalité sachant que lui-même, ne se connaît peut-être pas. Pour aller plus loin, on pourrait même dire qu'aucun humain ne peut prétendre se connaître et et donc, encore moins connaître autrui, sachant que ce que nous croyons être n'est que l'interprétation de nous-même qui nous convient le mieux, et non ce que nous sommes dans notre essence, notre nature. [...]
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