Peut-on avoir peur des mots ? Quels risques représentent-ils ?

Thèmes abordés

Peut-on avoir peur des mots, risques des mots, sens des mots, usage des mots, moyen de communication, étymologie, processus de pensée humaine, Bergson, Nietzsche, idées abstraites

Résumé du document

Les mots constituent le langage humain et sont par conséquent un moyen de communication. Il semblerait dès alors que les mots soient neutres et fassent partie de la nature humaine. On s'étonnera fortement que les mots puissent faire peur puisqu'un mot n'est que, par définition, un groupe de sons ou de lettres formant une unité de sens. Cependant, l'expression courante "n'ayons pas peur des mots" appuie la thèse selon laquelle les mots peuvent être effrayants. Il semble absurde d'avoir peur des mots. Mais, dans notre société, certains mots peinent à être utilisés à cause d'une crainte illusoire. Le mot "noir" par exemple est employé par les individus avec une certaine gêne, alors, ils évitent ce mot la plupart du temps et lui préfèrent parfois son homologue anglais "black" comme pour atténuer les hypothétiques effets de ce mot.

Ce mot qui ne désigne pourtant qu'un aspect physique d'un groupe de personnes au même titre que le mot" blanc" qui lui est paradoxalement plus facilement employé. Les mots auraient un pouvoir potentiellement nuisible qui pourrait susciter la crainte. La question qui se pose alors est "peut-on avoir peur des mots ?". L'enjeu de notre réflexion consistera à prendre conscience du danger potentiel des mots. Cela permettra de se distancer du pouvoir qu'on leur confère, de se distancer de la nuisibilité qu'ils constituent et ainsi se réapproprier leur usage. Pour cela, nous suivrons un plan en quatre temps répondant aux questions suivantes : "peut-on avoir peur des mots ?", "quels risques représentent-ils ?", "quels usages des mots peuvent s'avérer dangereux ?", "peut-on et doit-on dépasser la crainte des mots ?".

Extraits

[...] Quels usages des mots peuvent s'avérer dangereux ? Les mots sont neutres, dans le sens où ils ne sont ni bons ni mauvais. Tout dépend de l'usage que l'on en fait. C'est cet usage qui peut se dévoiler dangereux. Les mots blessent comme le disait Monique de Gramont mots peuvent assassiner tout autant que les armes ». Qui n'a jamais souffert à cause de la simple évocation d'un On comprendra fort bien que les mots sont des armes redoutables pour blesser autrui. [...]

[...] Quels risques représentent-ils ? Les mots constituent le langage humain et sont par conséquent un moyen de communication. Il semblerait dès lors que les mots soient neutres et fassent partie de la nature humaine. On s'étonnera fortement que les mots puissent faire peur puisqu'un mot n'est que, par définition, un groupe sons ou de lettres formant une unité de sens. Cependant, l'expression courante « N'ayons pas peur des appuie la thèse selon laquelle les mots peuvent être effrayants. Il semble absurde d'avoir peur des mots. [...]

[...] Dépasser la vision du monde que véhicule notre société à travers les mots se fait aussi par l'apprentissage de plusieurs langages, apportant chacun un regard différent sur le sens que l'on donne aux concepts que transmettent les mots. Apprendre une autre langue c'est s'ouvrir à une culture étrangère et par conséquent sa vision du monde. Nous avons aussi évoqué la dangerosité de l'usage que nous pouvons faire des mots comme les sophistes utilisant l'art de la rhétorique. Mais le langage ne peut remplacer l'action, de belles paroles ne sont rien face à un acte concret. [...]

[...] Cet art peut se révéler nuisible, car il permettrait à un bon orateur de persuader n'importer qui est donc d'obtenir n'importe quoi. Gorgias, par exemple, se vantait de pouvoir persuader n'importe quel malade d'obéir à la prescription de son médecin. Nous comprenons bien la dangerosité d'un tel pouvoir, il aurait un plus grand pouvoir de persuasion qu'un médecin grâce aux mots au détriment du savoir et de l'expérience d'un homme de profession. Mais au-delà de la persuasion, les mots sont aussi des moyens de manipulation. [...]

[...] Il existe autant de joie différente que d'individu et pourtant toutes ses nuances de joie ne se résument qu'à un seul et unique mot : C'est une thèse appuyée par Nietzche qui déclare que les mots réduisent les choses en des concepts, c'est-à-dire une idée générale, abstraite que se fait l'esprit humain d'un objet de pensée concret ou abstrait et qui lui permet de rattacher à ce même objet les diverses perceptions qu'il en a et d'en organiser les connaissances. Ainsi, les mots ne parviennent jamais à la vérité puisqu'ils dépendent de la perception de l'esprit humain. Cette réduction est dangereuse, car elle laisse place à des préjugés appliqués sur un concept qui lui-même regroupe un ensemble de choses différentes les unes des autres. Les concepts sont appauvris par les préjugés qui en découlent. [...]