On peut distinguer deux sens de la formule « à chacun sa vérité » : soit on entend par « sa vérité » ce qu'un individu ou groupe tient pour vrai, et la formule est un constat de fait, celui de la diversité des opinions, des croyances, des jugements. On parlera alors de relativité des opinions, par opposition à l'unanimité. La formule a en ce sens une connotation morale : elle semble impliquer une forme de tolérance vis-à-vis des autres opinions.
Mais si l'on prend le mot « vérité » au sens strict (adéquation de la pensée et de la chose qu'elle désigne), la formule signifie un relativisme de la vérité elle-même, en droit, ce qui voudrait dire que toutes les opinions, croyances, tous les jugements seraient équivalents. On parlera alors du relativisme du vrai, par opposition à l'idée que la vérité en soi serait une, universelle, absolue.
[...] Le relativisme tend à assimiler tout jugement à ce premier type. les jugements qui portent sur des faits objectifs et indépendants des sujets. Dans ce type de jugement, on doit reconnaître qu'en théorie la vérité est forcément absolue, même si elle n'est pas encore connue. Par exemple : il existe une fonction glycogénique du foie est en droit soit vraie soit fausse, mais ne peut pas être pas vraie et fausse. - enfin les jugements mixtes plus complexes, qui sont les résultats du mélange de jugements de fait et de valeur, de jugements objectifs et subjectifs. [...]
[...] Peut-on accepter cette formule courante : "à chacun sa vérité" ? Introduction (accroche Reconnaissez-vous l'agresseur ? demande le policier. C'est lui dit l'un n'est pas lui dit l'autre : relativité des témoignages. A chaque témoin sa vérité . ou plutôt son jugement car il est évident dans ce cas que l'un des deux témoins (au moins) ment ou se trompe : soit c'est lui, soit non. Cet exemple montre comment la formule à chacun sa vérité peut sembler d'abord de bon sens, puis à la réflexion, porteuse d'absurdité. [...]
[...] Ainsi, l'histoire montre que même la science évolue, ce qui veut dire que ce qui est dit scientifiquement prouvé à un moment peut être dépassé plus tard. Même les mathématiques évoluent. Le 5e axiome de la géométrie du grec antique Euclide, par exemple, a été incontesté jusqu'à ce qu'on découvre qu'il n'est vrai que pour une certaine définition géométrique de l'espace. Cette évolution montre que la connaissance objective est toujours dépendante de l'histoire et donc relative, par exemple relative à la somme d'expériences faites (toute nouvelle expérience pouvant remettre en cause ce que les anciennes avaient semblé confirmer, cf Pascal, Traité du vide), mais aussi à certains cadres conceptuels plus métaphysiques (ex : rôle de la religion dans le géocentrisme), ou encore à certains cadres matériels (rôle de l'économie dans l'apparition de la science géométrique, dans les orientations de la recherche actuelle . [...]
[...] Conséquence : on ne peut affirmer que toutes les idées se valent a priori. Cependant, il faut avoir conscience de la difficulté voire de l'impossibilité d'être certain d'avoir atteint la vérité absolue. Cela implique comme on le voit à nouveau une ouverture à des idées différentes, une tolérance. C'est le principe du pluralisme (Cf Popper, Tolérance et Responsabilité Intellectuelle), qui n'est pas cependant un relativisme plat : il y a ouverture à des hypothèses, perspectives ou réponses différentes, mais il doit aussi y avoir rigueur dans l'examen de ces idées selon les critères reconnus comme les plus objectifs possibles par l'ensemble de la communauté scientifique. [...]
[...] Plus grave est la thèse relativiste latente dans la formule en question, qui poserait que toutes les opinions seraient équivalentes en droit. Une telle théorie prise au sens strict, doit être réfutée. Critique du relativisme du vrai Cette thèse signifie en fait qu'il n'y a pas «une vérité, mais que toutes les opinions sont vraies puisqu'elles sont vraies pour ceux qui y croient. Cette thèse est très problématique, d'abord parce qu'il semble y avoir des vérités reconnues universellement ou du moins qui se sont avérées vraies par le progrès des connaissances _ la terre est ronde et non plate Cela laisse présumer que le relativisme est contestable, même en fait. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture