Est-on pour autant prêt à sacrifier le jugement esthétique et moral sur l'hôtel du relativisme ?
[...] C'est tout l'enjeu de ce sujet. Nous verrons d'abord que, de prime abord, la diversité des opinions nous oblige à penser qu'il n'y a pas d'universel en matière de Beau et de Bon. Derrière transparaît la problématique du relativisme culturel : est-ce que céder à la tentation d'un absolu esthétique et moral ce n'est pas ériger ses propres critères subjectifs en normes universelles? Mais la multitude des opinions contraires ne doit pas nous laisser sans critère objectif pour discriminer entre les bonnes et les mauvaises productions : il y a un socle commun de valeurs qui permet à chaque Homme, indépendamment de sa culture et de ses penchants personnels, de déterminer ce qui est bon et juste pour lui et les autres. [...]
[...] D'un point de vue kantien, par exemple, il faut se respecter et respecter autrui comme une fin et non pas seulement comme un moyen. Prima facie, le cannibale enfreint cette obligation morale : il mange ses congénères comme s'ils étaient les instruments (les moyens) d'un rite. Les respecter véritablement ce serait les considérer comme des volontés autonomes, avec un corps propre, que je ne peux pas m'approprier. Mais que dire si le sacrifié accepte d'être mangé parce qu'il pense que c'est le seul moyen pour lui d'être reconnu comme une personne en soi? [...]
[...] Face au relativisme individuel et culturel, Kant a une position universaliste très forte : on a une obligation morale d'aller sauver la voisine qui est battue, tout comme on est contraint d'aller évangéliser les impératifs moraux dans le monde ; avec cette idée que ce qui est moralement bon pour moi doit nécessairement apparaître par la Raison comme bon à l'esprit d'autrui, indépendamment des particularismes et des affinités individuelles. On peut y voir une forme d'ingérence ou d'ethnocentrisme. Discuter des goûts et des couleurs c'est prendre le risque d'imposer ou de se voir imposer l'opinion que l'on a sur tel ou tel sujet. C'est que c'est le statut même d'une valeur qui est en jeu : peut-on réellement avoir des valeurs si elles se valent toutes? Avoir une opinion, n'est-ce pas nécessairement vouloir la défendre? [...]
[...] Dans la scène finale, elle conclut ainsi : « on peut discuter des causes, et des conséquences d'un fait historique. Mais on ne peut pas discuter du fait lui-même ». En bref, on a mis en valeur une tension aporétique entre d'une part la nécessité du relativisme pour ne pas juger et condamner l'expression de la différence, et d'autres part la nécessité d'un critère objectif pour juger du bon et du beau. Derrière, c'est en effet la difficulté même de tolérer l'intolérable qui a été mise en exergue. [...]
[...] Il en va strictement de même en Art : puis-je laisser un artiste représenter des femmes battues, promouvant la violence à l'encontre des femmes, sous prétexte qu'il a une idée -que je dois respecter- de ce que doit être l'expression artistique différente de la mienne? On semble toucher aux limites du relativisme exprimé par la formule « des goûts et des couleurs, on ne discute pas ». Pour Kant, le beau est un concept universel, de la même manière que la loi morale s'impose aux agents moraux indépendamment de leurs particularismes. [...]
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