Peut-on considérer qu'il existe un progrès en réflexion lorsque celle-ci ne procède d'aucun effort singulier, d'aucune initiative personnelle ?

Thèmes abordés

Progrès en réflexion, réflexion, initiative personnelle, effort singulier, Bergson, Aristote, Hobbes, La Mettrie, Watson, Skinner

Résumé du document

Comme l'écrit Bergson, « on ne pense pas sérieusement sans une certaine tension de l'esprit ». Cette citation illustre d'emblée la nécessité d'un effort individuel pour toute pensée féconde. Il convient tout d'abord de définir les termes centraux de notre sujet. Par "progrès en réflexion", nous entendons un mouvement de la pensée qui s'approfondit, se complexifie et gagne en maturité grâce au recul critique. Quant aux "efforts singuliers", ce sont les initiatives personnelles qui caractérisent l'implication propre d'un sujet dans l'élaboration de sa réflexion.

Extraits

[...] Cette notion, transposée à l'intelligence humaine, implique que sa progression advient moins par accumulation que par le renouvellement continu stimulé par l'effort créatif de dépassement de soi, à l'origine d'un enrichissement qualitatif et non d'un simple élargissement quantitatif issu de sa faculté d'auto-détermination. Conclusion On peut donc affirmer qu'un véritable progrès de la pensée est indissociable d'efforts singuliers selon la philosophie classique et certains penseurs modernes. Seul l'engagement personnel dans l'élaboration de sa réflexion par un travail de dépassement de soi permet à la pensée d'évoluer qualitativement plutôt que par simple accumulation extensive. Le progrès intellectuel requiert donc l'initiative propre de chaque sujet dans la construction singularisée de sa compréhension du monde. [...]

[...] Selon cette doctrine, les comportements et la pensée résulteraient de conditionnements externes sur lesquels le sujet n'a aucune prise. Totalement façonné de l'extérieur, le moi serait privé d'autonomie dans sa construction et réduit à accumuler les expériences du passé. En niant la capacité d'auto-détermination du sujet, réduit à un simple réceptacle de déterminations ambiantes, le behaviorisme anéantit toute possibilité d'un progrès intellectuel fondé sur des efforts singuliers d'évolution volontaire de l'esprit. La nécessité d'efforts singuliers pour un véritable progrès Plusieurs penseurs défendent l'idée qu'un véritable progrès de la pensée nécessite des efforts singuliers. [...]

[...] Il n'y a amélioration réelle que par la voie singulière d'un travail sur soi, grâce auquel on s'extrait de sa naturalité originelle. La mise en cause moderne de l'effort singulier Le mécanisme philosophique met en cause la possibilité même d'efforts singuliers en niant l'existence d'un sujet libre. Défendue par Hobbes et La Mettrie, elle conçoit l'homme comme une machine obéissant uniquement aux lois de la causalité physique, le mécanisme philosophique nie radicalement l'existence d'un sujet libre. Dans cette perspective, les pensées humaines ne seraient que le résultat de déterminations sur lesquelles le moi n'a aucun contrôle, à l'image d'une montre soumise aux rouages de son fonctionnement. [...]

[...] En effectivement donner forme au langage pour mettre en mots de façon ordonnée les résultats de sa réflexion, le sujet participe de manière singulière à l'édification de sa pensée. Il ne saurait y avoir de réflexion féconde sans cette démarche individuelle permettant d'exploiter les potentialités offertes par la langue pour faire advenir un propos signifiant. Cette idée se retrouve dans la conception platonicienne de la maïeutique développé par Platon dans le Théétète. Par analogie avec l'accoucheuse, le philosophe doit accoucher les esprits de la vérité par un questionnement stimulant. [...]

[...] Cette conception implique que la vérité ne se donne pas toute faite mais requiert un effort personnel pour être mise au monde. Le progrès intellectuel ne consiste pas en un simple dévoilement passif des Idées préexistantes mais demande la participation active du sujet pensant. Par le dialogue réglé, celui-ci doit prendre la peine de remettre en question ses propres représentations jusqu'à ce que surgisse la lumière de la compréhension. L'accouchement de la vérité suppose un travail de la pensée plus qu'un abandon à l'évidence. [...]