En philosophie, l'éthique est la discipline qui étudie les fins pratiques de l'homme, c'est-à-dire les conditions individuelles et collectives de la vie bonne ; de même elle vise à déterminer le contenu de cette bonté ainsi que le contenu normatif des règles permettant sa réalisation. Toute éthique, qui vise à ‘habiter adéquatement' le monde, se fonde sur une représentation particulière de celui-ci. Jusqu'à « la mort de Dieu », le « désenchantement du monde », et la « fin des idéologies », l'éthique se fondait sur une représentation du monde structurée soit par un ordre naturel immanent et harmonieux (le cosmos chez les Grecs) soit par une transcendance (Dieu) qui lui était extérieure et supérieure, soit par des idéologies particulières (la Patrie, le Communisme,…).
Aujourd'hui, l'éthique en entreprise est un sujet à la mode. La mode est un phénomène de société, et que cette mode là, venue d'outre-atlantique comme c'est souvent le cas, soit actuellement au cœur du questionnement des entreprises, n'est pas si étonnant. C'est un sujet important, car il interroge notre comportement et engage notre liberté. En cela, il est peut-être plus ancré dans l'esprit du temps, et il est peut-être moins passager qu'une mode. En effet, dans une post-modernité pluraliste qui se caractérise, du moins en Occident, par une situation historique, post-métaphysique et post-religieuse où les normes universelles qui doivent régir la vie humaine ne sont plus fondées sur une connaissance de ce qui est ontologiquement ou sur une Révélation, la question de la morale et du bien-vivre-ensemble resurgit naturellement. Ainsi, il suffit pour s'en apercevoir de suivre un minimum l'actualité, de nombreux problèmes liés à l'éthique se posent et nous mettent en demeure d'y répondre, tels que les problèmes d'environnement, de développement durable, ou de la ‘composition' avec les différences (culturelles, économiques et sociales). Une des tendances majeures de la campagne présidentielle aujourd'hui est la place des valeurs morales dans le discours des candidats. Cet aspect souligne l'enjeu de fédérer une unité, une cohésion autour de valeurs communes aptes à dépasser la diversité d'une société multiculturelle, dans laquelle chaque catégorie- ethnique, religieuse,sexuelle,etc.- revendique tout à la fois la reconnaissance de son identité propre et des droits spécifiques. Le développement de la science aussi soulève de nombreuses questions éthiques notamment en ce qui concerne la manipulation génétique et les ‘biotechnologies', c'est pourquoi des comités d'éthiques se sont constitués pour réfléchir à ces problèmes nouveaux qui se présentent à nous.
L'entreprise est un acteur majeur dans nos sociétés, en conséquence on lui demande de plus en plus d'être responsable, en conscience. Le sujet suggère qu'il serait plus difficile qu'ailleurs de se conduire moralement en entreprise. On pense aux ‘affaires' qui, par définition, mettraient de côté le problème de l'éthique, de la morale, des valeurs, pour ne s'intéresser qu'à la valeur de l'argent et à ses intérêts propres. Pourtant de plus en plus, on demande aux dirigeants eux-mêmes de justifier leurs actions, de rendre justice, bref d'adopter une vision éthique et humaniste. C'est peut-être précisément parce que le fond de notre post-modernité manque d'éthique et ne place l'humain pas suffisamment haut dans l'échelle des valeurs que, en symptôme, le discours éthique et humaniste est de plus en plus martelé. Que l'on invoque de plus en plus ce genre de discours. Quoi qu'il en soit, on constate que notre époque a ressenti le besoin d'installer un nouveau type de métier : celui d'éthicien, lequel doit prendre en charge les problèmes moraux, éthiques.
L'ordre de l'éthique (ou de la morale, je vais distinguer ces deux termes plus loin) n'est pas l'ordre juridique. L'entreprise peut très bien respecter la loi sans pour autant agir selon la morale. Par exemple, une entreprise, au nom du profit, peut délocaliser ses usines dans un pays où les législations sont plus souples qu'en France, par exemple dans un pays qui n'interdit pas le travail des enfants.
L'éthique concerne d'abord des individus, des salariés. Elle présuppose le libre-arbitre, elle impose de faire des choix (le non choix reste un choix) et de les assumer. Le salarié, le dirigeant, dans un milieu économique sous contraintes, est parfois confronté à des dilemmes qui rendent les décisions difficiles à prendre. L'ordre économique, aujourd'hui, est différent de l'ordre de la morale. On semble loin de ce que Montesquieu dit dans L'esprit des lois au sujet du commerce, lequel prédisposerait à la morale. On semble loin de cela dans une entreprise dont la vocation est de faire du profit. Ce qui n'est pas un mal en soi. Pour des économistes, tels Hayek ou Friedman, l'entreprise n'a que faire de la morale, parler d'immoralité de l'entreprise n'a pas de sens et constitue une faute logique. De même le marché est proprement amoral. Seuls des individus peuvent être moraux ou immoraux. Mais, et c'est un fait, l'entreprise est constituée d'individus. Et ceux-ci se sentent alors devoir parfois ‘s'arranger' avec la morale. Cette pression du profit soumet les dirigeants à des décisions qui comportent des dilemmes dans la mesure où la moralité entre en jeu pour eux et rend le choix parfois délicat. Ce discernement et cette délibération renvoient à l'individu dans sa solitude. C'est avant tout une affaire d'individu.
L'entreprise, dans son ensemble, quoi qu'elle soit d'abord au service du profit, ne peut pas être complètement indifférente à la morale, dès lors qu'elle est composée d'individus qui ne le sont pas, qui ne peuvent pas être indifférents à la morale dans la mesure où l'on a intégré, on en porte l'héritage, 25 siècles de culture judéo-chrétienne, et celle-ci se manifeste encore dans nos « états de conscience », dans notre culpabilisation et notre « mauvaise conscience ». Bien rare est l'individu à proprement parler amoral, encore plus rare celui qui le revendique et l'assume.
Il y a en effet une responsabilité sociale de l'entreprise qui doit se demander « comment », dans quelle mesure, jusqu'à quel point, faire du profit. La mise en place de chartes éthiques semble alors justifiée pour fédérer les salariés autour de valeurs communes. Sauf que, fondamentalement, les valeurs composent un système dont la finalité est le bonheur. Si on assimile le profit au bonheur, alors la question du « Comment… » est proprement une question éthique. Bien qu'il soit douteux que profit et bonheur puisse équivaloir… Du reste, il me semble que le bonheur de ses salariés ne soit pas le but d'une entreprise, ne doit pas l'être… On ne doit pas compter sur l'entreprise pour assurer notre bonheur. La fonction principale de l'entreprise est de créer de la richesse et non pas de la vertu. Qu'elle nous donne les conditions, les moyens d'être heureux est une chose, mais qu'elle se charge à notre place de notre bonheur en est une autre. Sur le modèle de B.Constant (« Que l'autorité se borne à être juste, nous nous chargerons d'être heureux »), j'aurais tendance à dire : Que l'entreprise se borne à respecter un cadre juridique, nous nous chargerons d'être heureux.
[...] La liberté se donne dans et par la loi morale. Ainsi, on voit que l'éthique kantienne est une éthique du devoir, et non plus de la vertu, parce qu'elle nous commande une résistance, voire un combat contre la naturalité ou l'animalité en nous. Cette moralité réside dans l'intention et va prendre la forme d'un commandement : l'impératif catégorique prend la forme d'une injonction : Agis de façon telle que tu traites l'humanité, aussi bien dans ta personne que dans tout autre, toujours en même temps comme fin, et jamais simplement comme moyen. [...]
[...] Il pense qu'il est possible de connaître autre chose que le couple inhibition-transgression. En réalité, l'éthique qu'il veut atteindre est une attitude qui est un profond amour du bien, un profond amour de l'existence et de ce qui est, qui estime suffisamment le bien pour n'en pas faire le simple contraire du mal. En ce sens, il ne détruit pas vraiment la morale, mais imagine une hypermorale, si morale qu'elle n'aurait pas à lutter contre le mal pour affirmer le bien. [...]
[...] L'entreprise, dans son ensemble, quoi qu'elle soit d'abord au service du profit, ne peut pas être complètement indifférente à la morale, dès lors qu'elle est composée d'individus qui ne le sont pas, qui ne peuvent pas être indifférents à la morale dans la mesure où l'on a intégré, on en porte l'héritage siècles de culture judéo-chrétienne, et celle-ci se manifeste encore dans nos états de conscience dans notre culpabilisation et notre mauvaise conscience Bien rare est l'individu à proprement parler amoral, encore plus rare celui qui le revendique et l'assume. Il y a en effet une responsabilité sociale de l'entreprise qui doit se demander comment dans quelle mesure, jusqu'à quel point, faire du profit. La mise en place de chartes éthiques semble alors justifiée pour fédérer les salariés autour de valeurs communes. Sauf que, fondamentalement, les valeurs composent un système dont la finalité est le bonheur. Si on assimile le profit au bonheur, alors la question du Comment est proprement une question éthique. [...]
[...] Schopenhauer, contre Kant, pense qu'avant tout discernement rationnel, le problème de l'action morale réside d'abord dans la volonté. Pour lui, la morale obéit d'abord à l'ordre des sentiments. L'homme est essentiellement égoïste, c'est aussi un être de souffrance qui fait preuve de compassion et de pitié. Pour son propre bien, ainsi, il se doit d'éviter le spectacle de la souffrance d'autrui. Il ressent son propre ego comme celui des autres. Celui-ci génère de la souffrance, et celle-ci, on le sent bien, est universelle. [...]
[...] Et ce n'est que le développement du christianisme, puis de la Modernité, qui a dissocié ces termes. Qui a opéré un glissement progressif d'un modèle éthique centré sur l'exercice à un simple discours. Il faut aussi rappeler, pour tenter de comprendre les Grecs, qu'ils avaient une conception cyclique du temps et du monde. Celui-ci n'a pas été créé, mais est éternel, évoluant par cycles et retours de cycle. En outre, le divin des Grecs est radicalement immanent au réel, c'est-à-dire qu'il se confond avec l'ordre (cosmos) du monde en tant que tel, il en est même la structure intime, qui fait de lui un ordre harmonieux, merveilleusement organisé, juste, beau et bon. [...]
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