Depuis les années 1990, le développement des biotechnologies semble avoir déclenché ce que l'on appelle la « révolution du vivant » qui ouvre à nouveau le débat sur l'humanisme. D'un côté, il y a des publicités qui scandent par exemple qu'« avec la chirurgie esthétique, la beauté est à portée de bistouri », il y a ceux qui affirment comme Fukuyama que « la biotechnologie sera capable d'enfanter d'un nouveau genre humain ». Il y a même des individus qui affirment comme dans le Manifeste des mutants de 2001 « nous évoluerons. Et personne ne nous en empêchera ». De l'autre, il y a ceux qui s'opposent catégoriquement à cette révolution comme Noëlle Lenoir, il y a ceux qui veulent qu'elle soit encadrée comme le philosophe Peter Sloterdijk avec son idée de « code anthropotechnique » et ceux qui comme le philosophe Yves Michaud affirment que « le surhomme n'est pas pour demain : pour le moment il faut nous contenter de Schwarzenegger et des dieux du stade ».
Ce débat renvoie à celui que les Lumières avaient conceptualisé autour du néologisme « perfectibilité ». Ce terme, inventé par Rousseau dans son Discours sur l'inégalité parmi les hommes, apparaissait comme le trait distinctif qui sépare l'homme des animaux. Il le définissait comme la « faculté presque illimitée » qui permet à l'homme qui ne jouit d'aucun des instincts des autres animaux, « de se les approprier tous » et ainsi de surpasser le règne animal. De même, Voltaire inventait l'adjectif « perfectible » qu'il définissait comme ce « qui est susceptible d'être perfectionné, ou de se perfectionner ». Cependant, pour Rousseau le terme « perfectibilité » désigne la faculté de l'homme de se changer en bien ou en mal.
Cette notion de « perfectibilité » semble alors avoir régulièrement opposé les hommes. Ainsi, en quoi cette faculté qu'à l'homme de se perfectionner a-t-elle donné lieu à tant de controverses déchaînant les passions autour des moyens utilisés, des objectifs visés et du rôle joué par l'Etat ?
Nous allons tout d'abord voir que cette volonté de perfectionner l'homme s'est réalisée autour du contrôle de la procréation, suscitant de nombreuses controverses. Puis, qu'avec la découverte de la malléabilité de l'homme et le progrès des biotechnologies, la possibilité de créer un surhomme a déchaîné les passions.
[...] II) La découverte de la malléabilité infinie de l'être humain : un perfectionnement menant de l'humain au surhumain ou à l'inhumain ? Une faculté d'amélioration indéfinie inscrite dans la nature humaine L'homme, cet animal imparfait (Fichte) Heidegger considère que l'homme est un être tout arrivé c'est-à- dire que ses caractères, définis dès la naissance, ne peuvent être améliorés. Cependant, cette conception demeure minoritaire. En effet, dès la fin du XVIIIe siècle, Fichte affirme qu'alors que tous les animaux sont achevés, et terminés, l'homme est seulement indiqué et esquissé Le caractère propre de l'homme est ainsi sa capacité d'être formé ce qui rappelle Kant qui affirme que l'espèce humaine doit réaliser sa nature grâce à l'éducation et progresse dans l'histoire, histoire que Hegel voyait d'ailleurs comme le développement de l'esprit universel. [...]
[...] Cette thèse s'oppose alors à l'idée avancée par Platon dans La République et reprise par les Lumières, celle de la nécessité de la sélection artificielle pour perfectionner l'homme, c'est-à-dire la nécessité de sélectionner les procréateurs. Cependant, Francis Galton affirme que le jeu de la sélection naturelle est entravé par les règles sociales et son disciple, Karl Pearson, affirme alors qu'elle a été remplacée par la sélection reproductive qui permet aux plus féconds, non aux plus aptes de gagner. Cette théorie s'inscrit dans l'angoisse de la décadence de l'espèce humaine liée à l'industrialisation. [...]
[...] De la fabrication d'un super-humain à l'enfantement d'une post- humanité ? Vers la création d'un homme génétiquement modifié ou créé ? Du culte de la performance et du dépassement de soi Tout d'abord, Isabelle Quéval affirme que la société du dépassement de soi est devenue celle du culte du moi performant En effet, il y a une sorte de pression qui pousse les individus à être toujours meilleurs, repoussant les limites humaines toujours plus loin. Ce phénomène est notamment observable dans le sport, avec les pratiques d'amélioration des performances qui vont jusqu'à l'utilisation de produits dopants. [...]
[...] Personne ne semble habilité à statuer de manière rationnelle comme l'énonce par exemple l'Eglise catholique. Normalisation de l'espèce humaine et rejet du pathologique De plus, avec le développement des biotechnologies, le normal signifie désormais perfection Or, avec les publicités et les films hollywoodiens, cette perfection devient progressivement un modèle unique vers lequel l'individu doit se rapprocher le plus possible. Le perfectionnement de l'homme aboutirait ainsi à la normalisation de l'espèce humaine et la discrimination envers les personnes handicapées. Dignité humaine vs. [...]
[...] Le concept de bioéthique intervient alors. David Roy le définissait comme la discipline qui se préoccupe de toutes les conditions qu'exige une gestion responsable de la vie, particulièrement de la vie humaine, dans le cadre des progrès du savoir et des technologies biomédicales Comme l'affirme Habermas, ce que la science met techniquement à notre portée doit être soumis à un contrôle moral Cependant, comme l'affirmait l'artiste chinois Zhu Yu, Qu'est-ce que la moralité ? Est-ce que ce n'est pas simplement quelque chose que l'homme change de temps en temps de manière quelque peu saugrenue sur la base de ses prétendus besoins de se présenter comme humain dans le cours du progrès ? [...]
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