Inscrit dans une époque sensible aux images de corps en décomposition, ravagée par la peste et les guerres civiles Hamlet de Shakespeare prince du "royaume pourri du Danemark" pénètre dans un cimetière, accompagné de son ami Horacio. Heurté par l'attitude nonchalante d'un fossoyeur en plein travail, qui chante pour se donner de l'entrain, ce dernier ne peut s'attarder sur le sort d'un cadavre déterré sous ses yeux. Existentialiste en avance sur son temps le jeune homme ne peut constater qu'avec amertume le caractère dérisoire de l'existence rongée par le temps puis par la mort inéluctable pour tout un chacun. Fils de roi, Hamlet est pourtant bien obligé d'admettre la futilité de son rang face à la mort. La plus basse de la société devient dès lors son égal, indépendamment de tout titre de noblesse. En dépit de ces considérations, il choisit de regarder la mort en face et se saisit du crâne d'un cadavre appartenant jadis à son bouffon Yorick. Très rapidement, son imagination prend le pas sur sa raison : frappé d'angoisse, les cendres d'Alexandre le Grand, puis de César, tout deux retournés à la poussière, transforment en bouchon d'argile dans l'esprit d'Hamlet, soit désormais au bout d'un baril de bière soit colmatant une fissure dans un mur.
Dès lors, une question se pose : faut-il oui ou non penser à la mort ? De ces termes dégageons les présupposés qu'elle implique. "Faut-il" semble manifestement souligner la nécessité d'une action d'ores et déjà possible, plus accessoirement un devoir, quant au terme de penser, non seulement il englobe l'acte de réfléchir, mais dans une perspective plus large l'ensemble des activités psychiques, telles que l'imagination, la volonté, le désir, le jugement, étymologiquement "peser". La mort, obscur objet de pensée désigne la cessation définitive de la vie donc la disparition de l'activité psychique et de la conscience de manière irréversible. Un vivant doté d'une conscience devrait-il orienter son activité psychique vers un état où il n'est plus, alors qu'il peut ne pas le faire ? Par ailleurs, peut-il vraiment appréhender la mort en temps qu'objet de pensée concret, quand celle-ci dépasse le domaine de l'expérience ? Que peut produire une telle pensée ? Faut-il, peut-on désirer la mort alors qu'elle ne renvoie à rien ? Ne serait-ce pas plutôt peser la valeur de la vie dans ce cas ? Ne faudrait-il pas y penser raisonnablement. Si l'on en croit les élucubrations d'Hamlet après avoir saisi la mort à pleine main, puis sa raison qui tourne à vide, autour de questions demeurant sans réponse, ne serait-il pas plus sage de rester en terrain connu pour se concentrer sur la vie ? (...)
[...] Il nous conseille lui-même, à l'instar des Egyptiens, qui exposaient des cadavres pendant leurs banquets pour habituer les invités à l'idée de la mort, de nous habituer également à la mort, d'en faire notre familière, telle une voisine que l'on croise chaque matin depuis des années. A cet effet, nous pourrions dépasser notre appréhension de la mort, phénomène naturel en soi, tout en continuant à jouir de la vie pratique d'une sagesse existentielle quotidienne. En somme, il faudrait penser à la mort avec des lanières pour parvenir à acquérir une sagesse de l'existence, c'est-à-dire un amour de la vie modérer par la raison. [...]
[...] Pourquoi ne pas prendre un peu plus pour sujet de publicité la vieillesse, et ce plus uniquement pour vanter le mérite des pompes funèbres? [...]
[...] L'individu humain a-t-il le droit de vouloir la disparition de son espèce? Manifestement, les quelques milliards d'être humains encore en vie estiment que non. En matière d'écrivains désabusés par l'humanité lors de la montée du nazisme, on peut mentionner Stefan Zweig s'étant suicidé avec sa femme, ayant préféré démissionner de son rôle de vivant impuissant devant un genre humain et une Europe qu'il ne reconnaissait plus, comme en atteste le témoignage historique laissé derrière lui, Le Monde d'hier, souvenir d'un Européen. [...]
[...] Par ailleurs n'est-ce pas vital ou plutôt inévitable de penser à la mort pour pouvoir rester en vie? Seconde Partie: Selon une autre perspective, il semble nécessaire, voire vital de penser à la mort, puisque préserver sa vie consiste à éviter sa mort, ensuite, étant donné le caractère inévitable de la mort, ne pas y penser serait se mentir à soi-même, pour finir, prendre conscience de la mort permet de donner une valeur inestimable à la vie prise dans une torpeur continuelle vis-à-vis d'elle-même. [...]
[...] En premier lieu, il est nécessaire pour un être conscient de penser à la mort, omniprésente pour pouvoir demeurer en vie. En effet, puisque la conscience permet d'éclairer nos choix possibles, inscrits dans une réalité hostile à la vie il est impossible pour l'être conscient de ne pas tenir compte du danger qui plane quotidiennement sur son existence, ainsi, le rôle de sa conscience sert autant à orienter les actions futures de l'être qu'à lui servir de garde-fou, elle interagit avec l'environnement autant pour faire les choix qui lui semble les plus judicieux que pour éviter sa propre disparition, l'un et l'autre vont de pair. [...]
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