La capacité de penser est ce qui différencie, outre certains caractères physiques, l'homme des animaux. Or l'acte de penser peut se présenter sous trois formes de démarche intellectuelle distinctes. La première est celle de la simple prise de conscience. Ainsi, lorsque l'on pense à quelque chose, on se le représente mentalement : si je pense à une maison, je me la représente en image ou en idée. Penser, c'est aussi, à un degré supérieur, conceptualiser : lorsque nous raisonnons pour déterminer la nature d'un être, nous en formons le concept, nous nous le représentons de façon rationnelle en faisant la part en lui ce qui le caractérise en propre et de ce qui pourrait changer sans qu'il cesse d'être ce qu'il est. Mais l'acte de penser, c'est aussi et peut-être surtout celui de juger : lorsque nous prenons position sur l'une ou l'autre question ou lorsque nous faisons des choix délibérés, nous pensons que les choses sont ou doivent être ainsi que nous le déclarons.
Alain dit, en parlant de la dernière façon de penser, que nous venons d'évoquer, que « penser, c'est dire non ». Qu'en est-il ? Doit-on considérer que la pensée, quand elle prend la forme du jugement, consiste en un refus, en une distanciation critique par quoi nous nous défendrions d'adhérer à une certaine façon de voir les choses ? S'il semble aller de soi, pour peu que l'on y prenne garde, que la pensée ne peut s'affirmer qu'en se démarquant de l'opinion, aux convictions bien souvent irréfléchies, il semble non moins évident qu'elle ne saurait en rester là, sous peine de sombrer dans un scepticisme stérile. Par où l'on voit qu'en se demandant si « penser, c'est dire non », nous sommes conduits à apprécier la valeur mais aussi les limites de l'esprit critique afin d'en déduire, pour nous-mêmes, une sage façon de nous conduire lorsque nous prétendons penser.
Pour pouvoir répondre au plus juste à la question de savoir si penser, c'est dire non, nous aurons à nous en poser successivement trois autres. En quoi le jugement peut-il être conçu comme étant un refus ? En quoi, toutefois, ne saurait-il s'y réduire ? Et, enfin, en quoi la pensée est-elle, somme toute, un processus relevant à la fois du refus et de l'adhésion ?
[...] Penser, est-ce renoncer à mes croyances ? Penser, est-ce dire non ? La capacité de penser est ce qui différencie, outre certains caractères physiques, l'homme des animaux. Or l'acte de penser peut se présenter sous trois formes de démarche intellectuelle distinctes. La première est celle de la simple prise de conscience. Ainsi, lorsque l'on pense à quelque chose, on se le représente mentalement : si je pense à une maison, je me la représente en image ou en idée. Penser, c'est aussi, à un degré supérieur, conceptualiser : lorsque nous raisonnons pour déterminer la nature d'un être, nous en formons le concept, nous nous le représentons de façon rationnelle en faisant la part en lui ce qui le caractérise en propre et de ce qui pourrait changer sans qu'il cesse d'être ce qu'il est. [...]
[...] Nous manquons très souvent de clairvoyance et de discernement dans nos prises de position car nous sommes influencés par notre vécu. Pourquoi dire non systématiquement peut-il être néfaste à la pensée ? Rejeter tout automatiquement revient à dire non à tout sans réfléchir. Je peux être prudent mais m'enfermer dans un non systématique revient à tout rejeter sans penser. Prenons l'exemple du pharmacien Homais dans Madame Bovary de Flaubert. Celui-ci en effet, rejetait très violemment la religion au nom de la science. [...]
[...] Penser ce n'est donc pas forcément dire non, c'est le dire mais en toute connaissance de cause et en pouvant justifier son opposition. Puis-je atteindre la vérité en refusant tout ? Il semblerait justement que non. Ce contentement de la négation est symbolisé par la figure du sceptique. Notons en effet que le sceptique est celui qui oppose son doute à toute tentative de justification refusant ainsi chaque argument sous prétexte qu'on ne pourra accéder à aucune certitude. Ainsi, partir de ce principe c'est tout simplement refuser tous les moyens me permettant de me soustraire à l'ignorance et donc de penser. [...]
[...] En quoi le jugement peut-il être conçu comme étant un refus ? En quoi, toutefois, ne saurait-il s'y réduire ? Et, enfin, en quoi la pensée est- elle, somme toute, un processus relevant à la fois du refus et de l'adhésion ? Qu'est-ce que penser ? Pour les Latins, pensare signifiait peser. Penser serait donc, d'un point de vue étymologique, apprécier le poids d'une opinion, ou d'une théorie. Penser, c'est donc faire un travail d'évaluation, au sens où l'on accorde ou non un crédit à un jugement donné. [...]
[...] Penser, est-ce alors dire oui ? Nous pouvons effectivement nous demander si penser, ce n'est pas dire oui. Penser consisterait ainsi à prendre une position claire et précise en faveur d'une idée, d'une théorie. Peut-on ainsi prétendre que le mathématicien qui accepte le théorème que Pythagore a élaboré refuse de penser ? Cela semble dérisoire et illégitime. En effet, à l'inverse de ce qui se passe en matière d'opinions et de croyances, le scientifique prend la peine de vérifier son cheminement qui lui aura permis d'élaborer sa théorie. [...]
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