Penser, croire, juger

Résumé du document

Le terme « penser » est situé en première place de notre sujet, comme pour annoncer le thème à l'intérieur duquel les deux autres doivent être traités. Nous devrons donc élucider le rôle que jouent au sein de notre activité psychique en général les activités de jugement et de croyance, c'est-à-dire élucider, dans notre mouvement pour envisager et comprendre le monde, les aspects ayant trait à la psychologie que figure le terme « croire » de notre intitulé, et les aspects de la connaissance formelle, liés au terme « juger ». Nous verrons que ces deux aspects sont en fait toujours inséparables au sein de notre démarche cognitive, de telle façon qu'ils s'entre-déterminent largement.

Descartes avait interrogé la validité épistémologique de notre activité cognitive. Il avait pu y distinguer deux types d'activités de nature opposées, l'une de type formelle et l'autre liée à l'imagination. En enfermant le sujet dans une sphère égologique, ces deux activités de jugement de nature différente deviennent équivalentes du point de vue de notre connaissance du monde extérieur et ne sont validées en pratique que par nos croyances.

Extraits

[...] Certes Brentano nous avait mis en garde contre l'idée de voir le langage comme une sécrétion mécanique, fidèle de la pensée, mais c'était pour prévenir des déformations par le langage des significations réelles des actes psychiques, on le voit nous sommes bien à l'opposé du tournant linguistique en épistémologie. Nous n'allons pas refaire ici tout le débat qui a mené à ce tournant linguistique et qui constituerait la véritable transition à ce que nous allons dire maintenant, il nous suffit simplement de rappeler une idée directrice que l'on doit à Wittgenstein : il existe toujours un filtre linguistique dans lequel la pensée se place pour décrire toute chose, ce filtre est un réseau de références que j'ai emprunté à autrui et qui sont liés à une intersubjectivité, des références extérieures, perceptibles par tous et ainsi communicables. [...]

[...] (La Poursuite de la vérité, 11 p.54) Ainsi dès ses débuts, nous le voyons, la réification contribue aux connexions logiques entre l'observation et la théorie en resserrant le dispositif des fonctions de vérité. Une seconde étape de la réification intervient selon Quine lors de l'apprentissage d'implications de type Chaque fois que ceci, cela. qui sont une expression généralisée de l'attente, donc d'un discours généralisé sur les corps durables et identiques à travers le temps. _ C'est là où je vois les corps se matérialiser, ontologiquement parlant : comme points nodaux idéaux en ces foyers où s'entrecroisent des énoncés d'observation. [...]

[...] Une structure les relie, et les objets y figurent comme de simples nœuds. Par une activité de jugement, consistant en l'implication et la réification, nous édifions une structure théorique dont la base se limite à nos entrées sensorielles et aux premiers énoncés d'observation. Or ils indéterminent notre théorie des objets (qui n'est alors qu'une simple interprétation ne relevant pas d'une nécessité logique) elle est donc maintenue comme façon invariable d'appréhender le monde par une activité de croyance mise en place à partir de ces jugements primitifs. [...]

[...] L'épistémologie naturalisée que Quine a développée permet cette distinction. _ Natural science tells us that our ongoing access to the world around us is limited to meager channels. There is the triggering of our sensory receptors by the impact of molecules and light rays. [ . ] Even the notion of a cat is a human artifact, rooted in innate predisposition and cultural tradition. (Structure and nature) _ Le jeu de la science est sans engagement vis-à-vis de la réalité, quoi que cela signifie. [...]

[...] Pour approfondir les implications que put avoir ce genre de systèmes philosophiques, nous allons étudier l'un d'eux. Notre choix se portera sur le philosophe Franz Brentano car il a suivi cette voie en abandonnant le terrain transcendantal d'un Descartes ou d'un Kant. Il fournira de ce point de vue une bonne approche aux courants empiriques du tournant linguistique en épistémologie. Le domaine de recherche qui intéressa la majorité de son œuvre fut le traitement dans la conscience interne de nos représentations. [...]