"Le concept de certitude peut être considéré comme la clef de la pensée de Husserl" écrit Leszek Kolakowski dans Husserl et la recherche de la certitude. On pourrait remplacer ici le terme de "certitude" par celui d'"évidence", qui, peut-être, rend mieux la réciprocité qui existe pour Husserl entre la visée de la conscience en direction des choses et la donation des choses à la conscience.
Dans les Idées directrices pour une phénoménologie, Husserl définit l'évidence comme ce qui se donne, de fait, avec un caractère rationnel : l'évidence est la donation de la chose même, étant entendu que cette position de la chose est légitimable rationnellement. C'est ce qui lui permettra, dans les Méditations cartésiennes, d'ériger l'évidence en principe méthodique pour le commencement et la progression de la science.
L'évidence se situe donc dans une position intermédiaire entre le donné (il y a, de fait, des modes de l'intentionnalité qui ont intrinsèquement le caractère de l'évidence) et le domaine de la norme et de l'idéal (elle est à la fois ce sur quoi la science doit s'appuyer pour progresser et ce à quoi elle doit tendre ; et en outre, ce à quoi elle tend de fait, parfois à son propre insu).
[...] Certaines évidences imparfaites ne peuvent être ni confirmées, ni infirmées, ou seulement partiellement : soit l'évidence imparfaite est donnée sans cet horizon dans lequel on pourrait trouver une évidence fondatrice (comme c'était le cas pour le souvenir), soit le processus menant à une intuition adéquate est donné mais il est donné comme infini, et il est donc impossible de le mener à son terme : c'est le cas dans la donation des objets sensibles, corporels, qui sont toujours saisis dans une intuition inadéquate : si la position rationnelle repose sur une apparence donatrice inadéquate (corporelle), elle ne peut jamais être définitive (Ideen, p465). Il reste donc à se demander comment une expérience est possible étant donnée l'imperfection irréductible des évidences de l'expérience sensible. La régulation des évidences inadéquates Le fonctionnement de la vie banale pratique, nécessite de pouvoir s'appuyer sur un système d'évidences. [...]
[...] Or, si l'évidence du monde, tant qu'on ne l'interroge pas, paraît indubitable au point qu'il ne nous vient même pas à l'idée de la prendre comme thèse, il s'avère pourtant que cette expérience sensible universelle n'est pas une évidence apodictique qui exclurait la possibilité d'un doute quant à l'existence du monde p60). Comme on l'a déjà suggéré, le monde peut nous apparaître comme un ensemble cohérent sans pour autant être une réalité effective (comme un rêve cohérent). Nul n'est besoin, toutefois, selon Husserl, d'aller jusqu'à considérer les bouleversements de l'évidence qui, étant possibles, rendent concevables un non-être du monde. [...]
[...] C'est la chose qui se présente d'elle-même. Cette définition de l'évidence correspond à celle que propose Husserl dans les Méditations cartésiennes : l'évidence, au sens le plus large du terme, est l'expérience d'un étant et d'un étant-tel (p54). Mais cette définition suggère que l'on peut et que l'on doit restreindre encore le champ de l'évidence, tout en précisant sa définition : il faut alors adjoindre à l'exigence d'une autodonation originaire de la chose celle du caractère originaire de la thèse de la raison. [...]
[...] L'idée d'une science universelle exige de rendre parfaites, petit à petit, toutes les évidences imparfaites. En intégrant ces évidences parfaites, on obtiendrait à terme une évidence adéquate de la totalité des expériences, c'est-à-dire du monde ; l'idée de la science est en dernière analyse l'idée d'une connaissance adéquate du monde. Ainsi, dans la troisième Méditation, au Husserl présente le monde comme idée corrélative d'une évidence parfaite de l'expérience Le monde se présente au premier abord comme un horizon d'anticipations non comblées et qui nécessitent de l'être p107). [...]
[...] Alors que la réflexion sur une évidence adéquate (notamment dans le but de synthétiser plusieurs évidences adéquates) surajoutait un résidu d'inadéquation à cette évidence en lui adjoignant un horizon de visées adjacentes, la réflexion sur l'évidence apodictique, au contraire, n'ajoute rien à l'apodicticité première de cette évidence : elle ne fait que la révéler ; réciproquement, l'apodicticité de l'évidence première se transmet à la réflexion à propos de cette évidence : L‘évidence de la réflexion critique sur l'évidence est aussi une évidence apodictique L'évidence du monde n'étant pas immédiatement apodictique, il faut retirer la validité spontanée au sol de toutes les sciences La dignité de l'apodicticité va alors être accordée, non pas au monde, mais à l'ego transcendantal, en lequel Descartes avait déjà vu un sol ontologique apodictique : le sens de l'indubitabilité au sein de laquelle, grâce à la réduction transcendantale, l'ego devient une donnée, correspond au concept d'apodicticité précédemment exposé. Peu importe que cette évidence de l'ego cogito ne soit pas adéquate l'expérience de soi transcendantale n'offre que le cœur de ce qui est expérimenté de façon proprement adéquate : le présent vivant de soi. Au-delà : un horizon de ce qui n'est pas proprement expérimenté mais visé corollairement. [...]
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