Peut-on la justifier rationnellement ? S'inscrit-elle dans l'Idée d'une Cité juste, idée qui lui donnerait signification et orientation ? Ou, au contraire, ne constitue-t-elle pas la négation des droits de l'homme, fondation de l'utopie démocratique et juste qui motive les sociétés occidentales depuis les Lumières ? Autrement-dit, ne doit-on la considérer que comme un exutoire vengeur et une réponse purement sensible et émotionnelle ? Si d'un point de vue strictement rationnel, la peine de mort semble trouver son sens dans l'utopie de justice qu'il vise à réaliser, le caractère arbitraire et les dérives de son application révèlent que, si sens il y a, celui-ci est moralement nihiliste
[...] C'est là un fondement du contrat social que d'autoriser le souverain à punir le criminel de manière proportionnelle à son crime. Car l'homme est naturellement un loup pour l'homme ainsi que la loi du Talion le souligne, il convient à chacun de se défaire de certaines de ses libertés au profit du Léviathan hobbien, seul détenteur de la force publique capable de mettre un terme à la guerre de tous contre tous Le sociologue allemand Max Weber ne disait pas autre chose, qui considérait l'État comme détenant le monopole de la violence physique légitime Il convient donc de ne pas faire l'amalgame malheureux entre l'homicide perpétré par un individu qui, quelles qu'aient été ses motivations, est inacceptable et doit être puni en conséquence et la sanction de ce crime par l'État, qui - elle - apparaît légitime dans la logique de préservation du bien et de la sécurité publics par les vertus de rétribution et de dissuasion que présente la peine de mort. [...]
[...] A ceci, certains objecteront que la peine de mort constitue elle-même pire qu'une injustice, un homicide organisé, en tant qu'elle prive un homme de sa vie. Tu ne tueras point : le sixième commandement du Décalogue est ainsi souvent invoqué, aux Etats-Unis, par les abolitionnistes pour signifier la violation institutionnalisée de ce principe biblique, et justifier la nécessaire abolition de la peine de mort, réintroduite depuis 1976 dans le système légal de 31 États de l'Union. Mais, il importe d'emblée d'apporter une nuance essentielle : l'ancien testament suggère que l'individu ne doit pas commettre de meurtre, mais n'implique en aucun cas l'impossibilité de punir de mort un meurtrier. [...]
[...] Au-delà de cette assurance et en raisonnant toujours à l'échelle de la société, si la peine de mort participe de la sécurité de ses membres, c'est également par ses vertus éducatives et dissuasives. S'ils avaient le choix entre la peine capitale et l'emprisonnement à vie, même sans libération conditionnelle possible, les criminels pensionnaires d'un établissement pénitentiaire préfèreraient la seconde solution. L'utilisation par ceux-ci de l'ensemble des procédures disponibles d'appel de décisions concluant à la peine capitale suffit à l'illustrer. C'est dire l'effet dissuasif réel que peut avoir le spectacle de l'exécution d'un meurtrier ou d'un violeur sur l'ensemble des criminels potentiels, à une époque où la violence semble alimentée par la multiplication de productions cinématographiques toujours plus violentes, ou de jeux vidéos incitant à cette dépravation. [...]
[...] Une seule conviction, une seule certitude : condamné à mort ! Quoi que je fasse, elle est toujours là, comme un spectre de plomb à mes cotés, seule et jalouse, chassant toute distraction, face à face avec moi misérable, et me secouant de ses deux mains de glace quand je veux détourner la tête ou fermer les yeux. Elle se glisse sous toutes les formes où mon esprit voudrait la fuir, se mêle comme un refrain à toutes les paroles qu'on m'adresse, se colle avec moi aux grilles hideuses de mon cachot, m'obsède éveillé, et épie mon sommeil convulsif : qui mieux que Victor Hugo dans Le dernier jour d'un condamné peut exprimer de l'extérieur la souffrance intérieure d'un homme condamné à l'échafaud ? [...]
[...] C'est en effet, sous l'approche wéberienne de l'éthique de responsabilité, qu'il lui incombe de penser la question de la peine de mort. Parce que son application est arbitraire et contraire au droit le plus fondamental de l'homme, la peine de mort est condamnable tant moralement que politiquement : si son abolition va dans le sens de la liberté, de la démocratie et des droits de l'homme, la peine de mort va dans le sens contraire. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture