Être soi-même c'est, d'une part, ne pas affecter consciemment d'être autre que l'on est, mais c'est aussi la maîtrise libre et volontaire de soi, en surmontant toute contrainte extérieure: on choisit et l'on assume ses pensées et ses actes, en d'autres termes, on s'autodétermine. La passion nous aliène-t-elle en nous privant de notre liberté de choix et d'action, de sorte qu'il faudrait l'éradiquer pour reprendre possession de nous-mêmes ? Ou au contraire, la passion est-elle ce qui nous permet de nous réaliser pleinement de sorte que la passion ne devrait pas être comprise comme ce à quoi on s'abandonne de manière purement passive ?
[...] la cristallisation Stendhal). La passion nous fait non seulement renoncer à tout ce qui ne concerne pas l'objet de notre passion, mais elle parvient même à modifier notre perception du monde, d'autrui, et de nous-mêmes: tout, désormais, sera mesuré à l'aune de l'objet de notre passion, élevé au rang d'absolu. Dans la passion, je choisis de ne pas être un moi autonome On pourrait alors penser qu'il suffirait de combattre les passions pour accéder à la pleine possession de soi. [...]
[...] Oui, dans la passion je suis moi-même Les passions sont le contenu même de la vie Si, comme Descartes, on définit les passions comme des pensées que l'âme ne peut pas diriger parce qu'elles sont provoquées par le corps, il est vrai qu'on peut être amené à confondre nos passions avec notre volonté, et ainsi perdre la maîtrise de soi. Cependant, si les excès des passions peuvent être nuisibles, il ne s'agit pourtant pas de les éradiquer pour être soi-même, car elles sont presque toutes bonnes (Descartes, Correspondance avec Elisabeth). Elles sont le contenu même de la vie. Autrement dit, sans elles, la liberté ne serait qu'une liberté d'indifférence. Si donc les excès des passions peuvent nous mettre en contradiction avec nous-mêmes et avec les autres, il suffit d'agir avec industrie sur nos passions pour les régler simplement. [...]
[...] C'est en combattant l'illusion qui fait naître la passion que je serai capable de devenir moi-même. II- Non, dans la passion je ne suis pas moi-même La passion, en tant qu'elle s'apparente à une forme de folie, me dépossède de moi-même Lorsqu'il s'agit de punir un crime passionnel, la justice est généralement plus clémente que lorsqu'il s'agit d'un crime prémédité. On admet que la passion, la jalousie, l'amour notamment, relèvent d'une forme de folie. Victime de la passion qui l'habite, l'individu n'agit plus librement et n'est plus que le jouet de sa passion. [...]
[...] La passion peut donc être qualifiée d'aliénante puisque j'agis moi-même en tant que ma volonté n'est pas pleinement à l'initiative de mes actes. Demander si je suis moi-même dans la passion, c'est déjà supposer que la passion est un état émotionnel dans lequel on est pris, une autorité qui nous contraint sans que nous l'ayons choisie. Je ne suis plus moi-même dans la mesure ou la passion dans laquelle je suis pris emporte avec elle tous mes repères, valeurs, impératifs de prudence, devoir moral qui régissaient jusqu'à présent mon existence. [...]
[...] Si la raison est universelle, la passion, elle, nous particularise. Seule la passion est motif d'action Si la raison est conçue comme strictement théorique (Hume), et que seule la passion est dynamique et moteur de l'action, alors il n'y a plus lieu de croire en un déchirement de l'individu entre sa raison et sa passion. La passion n'est pas déraisonnable puisqu'elle n'est pas une idée: la déraison, dans cette perspective, ne peut être que l'erreur commise par le jugement. La passion, elle, ne juge pas: elle nous fait agir et nous inscrit par là dans l'existence. [...]
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