Première réponse possible : Une longue tradition chez les moralistes a consacré l'opposition de la passion et de la raison, mais celui qui pose la question veut relancer le débat à ce sujet. Peut-être aimerait-il défendre l'idée qu'un homme pourrait vivre sa passion en toute lucidité, frôler les limites du raisonnable sans toutefois les franchir, et qu'il ne faut pas condamner tous les passionnés sous prétexte que certains d'entre eux se sont faits des illusions au point de se perdre et de perdre les autres. Par exemple, celui est passionné par le F1 ne prend que des risques calculés et il n'est pas stupide au point de se mettre volontairement en danger. Le haut degré de technicité des véhicules qu'il utilise fait qu'il prend moins de risques que l'usager qui prend sa voiture bas de gamme pour se rendre tous les jours à son travail, et dont la mort accidentelle n'est pas relayée par les média comme celle d'un seul grand champion. La montée d'adrénaline le maintient vigilant et le rend plus vivant qu'aucun autre.
Deuxième réponse possible : Cela dit on pointait objecter que le passionné, tout en prétendant être rationnel, s'enivre de magie, de sensations fortes ; sa représentation du monde n'est pas la nôtre. C'est la tête pleine des légendes péruviennes lues pendant son adolescence que le zoologiste Thor Heyerdhal lance en 1947 « l'expédition du Kon Tilri » pour prouver qu'un simple radeau peut relier les cotes d'Amérique du Sud aux îles polynésiennes. Au péril de sa vie et dans des conditions très difficiles, il réussit son exploit qui ne sera pas considéré comme une explication scientifique du peuplement des îles polynésiennes. Mais lui en a eu totalement l'illusion.
Le problème général : Alors, une passion peut-elle être vécue sans illusion ?
Soit on considère l'illusion comme un manque de raisonnement, le propre d'un esprit naïf et irrationnel, auquel cas une passion peut être vécue sans illusion.
Soit on considère l'illusion comme un manque de réalisme, le propre d'un esprit qui a besoin de mettre en scène sa propre existence, et alors une passion ne peut pas être vécue sans illusion (...)
[...] Si on part du principe que le passionné choisit de laisser la passion le dominer et qu'il fera tout pour nous prouver le contraire, nous pouvons considérer que le passionné vit dans l'illusion qu'il est un héros. Il faut alors rompre le sortilège de l'idéologie moderne pour rappeler à chacun ses responsabilités. Il est toujours possible d'opposer à ce verdict si sévère l‘intérêt légitime que l'époque moderne porte aux hommes et aux femmes d'action et d'endurance, mais on lui préférera en fin de compte la vocation, qui ne déguise pas les motivations égoïstes en causes nobles. [...]
[...] Une passion peut-elle être vécue sans illusion ? INTRODUCTION Première réponse possible : Une longue tradition chez les moralistes a consacré l'opposition de la passion et de la raison, mais celui qui pose la question veut relancer le débat à ce sujet. Peut- être aimerait-il défendre l'idée qu'un homme pourrait vivre sa passion en toute lucidité, frôler les limites du raisonnable sans toutefois les franchir, et qu'il ne faut pas condamner tous les passionnés sous prétexte que certains d'entre eux se sont faits des illusions au point de se perdre et de perdre les autres. [...]
[...] Ils sont raisonnables, sans illusion, prisonniers des routines. En quoi cela est-il si admirable ? Tel l'orage qui renouvelle l'air, les passionnés permettent à la société de changer ses habitudes, d'éviter la sclérose. Comment envisager que les femmes aient pu s'émanciper du rôle auquel on les cantonnait sans passion ? Pour surmonter les divers obstacles physiques et intellectuels ainsi que les sarcasmes, les menaces, la violence parfois, il n'aurait jamais suffi aux femmes d'être raisonnables, maîtresses d'elles-mêmes, et moralement irréprochables. [...]
[...] Il faut résoudre le problème, proposer une définition claire et repartir sur de nouvelles bases : Qu'est-ce qui est en jeu derrière cette question apparemment insoluble une passion peut-elle être vécue sans illusion ? Remarquons dans ce libellé une difficulté considérable : celui qui pose la question présuppose qu'une passion est vécue En utilisant cette voie passive, il suggère que le passionné n'a pas vraiment le choix, que la passion est une sorte de maladie qui s'accompagnerait ou non d'un symptôme : l'illusion. [...]
[...] Dans le domaine scientifique, un passionné comme Fritz Haber qui consacra une partie de sa vie à mettre au point des gaz de combat par patriotisme, représente une véritable menace pour l'humanité. Il était surtout habité par une illusion : être respecté en tant que Juif par les autorités allemandes. Le scientifique de vocation comme Pasteur, se sentait appelé à aider le genre humain (et non pas à le détruire pour prouver au monde qu'il était indispensable et que son existence était justifiée). [...]
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