Pascal cherche à savoir ce que nous aimons au juste lorsque que nous disons aimer quelqu'un : est-ce la personne en elle-même que nous chérissons ou bien notre affection porte-t-elle seulement sur les qualités qu'on trouve en cette personne, qu'on pourrait apprécier chez d'autres et qui pourraient disparaître chez celle qu'on aime ? Pourquoi aimons-nous ceux que nous aimons ? Cette réflexion sur l'amour nous renvoie à un problème fondamental sur lequel roule le texte tout entier : qu'est-ce que le moi ? (...)
[...] La question : Où est donc ce moi ? révèle un agacement, une angoisse. Le lecteur est pris dans un tourbillon de questions sans réponses. Quelle est cette "chose" qu'on appelle "moi" justement ? Qu'est- ce que je crois aimer lorsque j'aime une personne et que je voudrais qu'on aime quand on m'aime ? Le moi, c'est-à-dire ce que je suis en propre, et tant que j'existe, qu'est- il ? Pascal pose autant la question qu'il y répond : puisque je ne suis ni mes caractéristiques physiques, ni mes caractéristiques intellectuelles, mais précisément l'être qui possède ces caractéristiques et qui peut les perdre sans se perdre, ce n'est pas en elles qu'on pourra me trouver moi. [...]
[...] Sa beauté n'est pas tout ce qu'elle est. On peut en effet se demander si on aime cette personne elle-même à travers sa beauté ou si c'est seulement sa beauté qui plaît et non pas la personne en elle-même. Question qu'on prête souvent aux belles personnes. La réponse que donne Pascal est des plus claires : " Non car la petite vérole, qui tuera la beauté sans tuer la personne, fera qu'il ne l'aimera plus." La petite vérole, c'est-à-dire la variole, une maladie qui laisse des cicatrices disgracieuses sans être mortelle, peut ruiner la beauté d'une personne. [...]
[...] D'où la conclusion à laquelle Pascal aboutit le deuxième paragraphe : " On n'aime donc jamais personne, mais seulement des qualités. " Le moi de celui ou de celle qu'on aime reste étranger à l'amour qu'on croit lui porter. Ce qu'on aime, c'est par exemple le courage, la beauté ou l'intelligence, mais pas le moi de la personne qui possède ces qualités au moment où on la rencontre. L'autre n'est que le point de rencontre de ce que j'aime, mais en lui-même, comme substance, il n'a rien d'aimable. [...]
[...] " Le philosophe ajoute aussitôt : je puis perdre ces qualités sans me perdre moi-même Surprise, et déception à la hauteur de la surprise : le cas de l'âme n‘est malheureusement pas foncièrement différent de celui du corps. Ce n'est pas seulement pour les qualités du corps qu'on aime quelqu'un, mais aussi pour ses qualités intellectuelles. Seulement, la même question se repose alors. On peut toujours se demander si c'est bien soi-même qui est aimé à travers les qualités intellectuelles que sont le jugement c'est-à-dire ici le bon sens, voire la sagesse, ou la mémoire qualités qui peuvent, comme la beauté du corps, expliquer qu'on m'aime. [...]
[...] Partie réflexive En soutenant que nous ne sommes jamais aimés en nous-mêmes, mais que nous le sommes toujours pour les caractéristiques que nous possédons, Pascal peut donc soutenir qu'il n'y a rien de ridicule ou de choquant à vouloir être aimé pour ce qu'on n'est pas. Cette conclusion, aussi surprenante qu'elle puisse sembler, n'est qu'une des conséquences remarquables de sa thèse. Cette thèse repose sur la distinction entre le moi - la substance - et les qualités qui nous appartiennent mais qui ne sont pas tout ce que nous sommes. [...]
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