La mise en question des pouvoirs de l'homme est récurrente en philosophie. Jusqu'où s'étendent-ils ? Que lui est-il permis d'espérer ? Qu'elles sont les limites à ces pouvoirs ? Pascal se livre ici à une réflexion sur la condition humaine en confrontant la position physique et naturelle de chacun à la capacité de penser cette situation. Tout le texte est construit autour de l'opposition entre notre présence réelle dans un monde qui potentiellement nous domine et la supériorité que nous tenons de notre pensée (...)
[...] Il est aisé de concevoir la pierre comme une réalité minérale inerte, comme un tout sans pensée ; la brute au contraire est active, elle est forte, la brutalité renvoie sans doute ici à l'animalité mais au-delà de leur différence, ce qui rassemble la pierre et la brute est l'absence de sentiments. Pascal distingue donc totalement sensorialité et sensibilité (ou sentimentalité), la brute a des organes sensoriels mais n'a pas de sentiment. Ne dit-on pas aussi un cœur de pierre C'est par la pensée que l'homme ressent, qu'il a du cœur, le sentiment n'est pas lié aux sens. [...]
[...] C'est donc être misérable que de se connaître misérable ; mais c'est être grand que de connaître qu'on est misérable. Penser fait la grandeur de l'homme. Je puis concevoir un homme sans mains, sans pieds, tête (car ce n'est que l'expérience qui nous apprend que la tête est plus nécessaire que les pieds). Mais je ne puis concevoir l'homme sans pensée : ce serait une pierre ou une brute. [ ] L'homme n'est qu'un roseau, le plus faible de la nature ; mais c'est un roseau pensant. [...]
[...] L'homme est capable de penser sa propre condition, il se pense lui-même en tant qu'être limité et misérable. Notre puissance ne s'inscrit pas dans l'espace ni dans le temps, elle est indifférente à la maîtrise du monde ou la recherche de l'immortalité, ce n'est pas dans son action sur les choses que l'homme est digne mais uniquement dans l'acte de penser. Ce n'est pas dans ce qu'il fait que l'homme est grand mais dans le savoir de ce qu'il fait. [...]
[...] L'arbre, lui, ne se connaît pas misérable Pascal ne se contente pas de dire que l'arbre non pensant ne connaît rien de lui- même, par un procédé rhétorique qui insiste sur la non-connaissance de sa misère, il veut montrer la faiblesse de l'arbre. Ses pouvoirs physiques ne lui autorisent aucune grandeur, l'arbre, réalité naturelle, et l'homme, réalité pensante, qui prend connaissance de sa misère ne sont pas sur un même plan ontologique. L'être de l'homme est distinct de l'être végétal. [...]
[...] Je ne peux me retrouver moi-même que dans la prise de conscience d'un écart infini avec le monde dans lequel je vis. C'est dans cette profondeur abyssale qu'ouvre la pensée que se vit l'expérience métaphysique de Dieu Ce texte met en place une série d'expériences contradictoires. Jamais la pensée ne peut sombrer complètement dans le destin physique et tragique qui est le nôtre. La misère réelle de l'homme dans le monde cède la place à la grandeur, dans l'extrême misère de son agonie physique, l'homme prend conscience de sa grandeur spirituelle. [...]
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