"Paroles...Paroles..." - Briller ou éclairer par la parole au XVIIIe siècle

Thèmes abordés

Briller par la parole, XVIIIe siècle, siècle des Lumières, linguistique, réévaluation de la parole, parole frivole, parole éclairée, philosophie moderne, discours, mots d'esprit, Jean-Jacques Rousseau, pédagogie, perversion du langage

Résumé du document

En linguistique, le signe comporte un signifiant qui doit référer à un signifié pour faire sens. Or, lorsqu'on emploie sciemment un mot pour un autre (lors du mensonge, par exemple) ou, lorsque la parole ne renvoie pas à autre chose qu'elle-même, on pervertit ce système conventionnel de référence. En quoi la modernité philosophique passe-t-elle par une réévaluation de la parole ? De même que l'autonomie de la raison se construit sur les ruines des préjugés, les Lumières font entendre une parole dissonante, en porte-à-faux avec le bavardage creux des pédants à succès. Dans l'écart entre la parole frivole des ridicules et la parole éclairée des gens d'esprit se joue le renouveau du philosophe et de la philosophie de la modernité.

Extraits

[...] Il témoigne d'une inquiétude réelle d'une classe sociale en perdition depuis l'échec de la Fronde et le durcissement de la monarchie. Le désenchantement et le désœuvrement accroissent le goût pour les médisances, autrement dit les calomnies ou les traits d'esprit assassins qui constituent l'autre sens du mot  persiflage  . En outre, la séduction devient synonyme de manipulation. Contre la corruption des discours Dans les salons mondains,  on s'y parle toujours sans rien se dire  ,  on y disserte sans raisonner, et voilà ce qui fait le sublime du bon ton.  Crébillon Réussir en société, c'est savoir substituer un bavardage vain et illusoire à une réflexion construite et approfondie. [...]

[...] Dis-moi comment tu parles, je te dirais qui tu es (ridicule ou honnête homme) et je te dirai ce que tu entends par philosophie (discours spéculatif ou dialogue). Notion clé : les mots d'esprit Alors qu'on pourrait croire à une forme d'expression rationnelle, car issue de  l'esprit  , les mots  d'esprit  renvoient, en réalité, à la part frivole et légère de la faculté propre à l'homme de raisonner. Les moralistes n'ont pas manqué de critiquer la vanité et l'hypocrisie de la posture langagière des ridicules, favorisant le persiflage à la fois comme art de parler pour ne rien dire et comme art de médire. [...]

[...]   - Briller ou éclairer par la parole au XVIIIe siècle En linguistique, le signe comporte un signifiant qui doit référer à un signifié pour faire sens. Or, lorsqu'on emploie sciemment un mot pour un autre (lors du mensonge, par exemple) ou, lorsque la parole ne renvoie pas à autre chose qu'elle-même, on pervertit ce système conventionnel de référence. En quoi la modernité philosophique passe-t-elle par une réévaluation de la parole ? De même que l'autonomie de la raison se construit sur les ruines des préjugés, les Lumières font entendre une parole dissonante, en porte-à-faux avec le bavardage creux des pédants à succès. [...]

[...]  Dieu ne créa que pour les sots/Les méchants diseurs de bons mots  , déplorait déjà La Fontaine dans sa fable  Le Rieur et les poissons  . Les ridicules des salons mondains Les pédants s'inscrivent dans la tradition des précieux ridicules et petits marquis du XVIIe siècle, déjà raillés par Molière. Le petit-maître hérite à la fois de leur coquetterie outrancière et de leur intarissable logorrhée. La superficialité du propos est déterminante là où  [l]'arrangement, ou plutôt l'abus de mots, tient lieu de pensée  (Crébillon, Les Égarements du cœur et de l'esprit, p. 216). [...]

[...] En effet, prononcer des mots tels qu'  amour  ,  âme  ou  vertu  induisent en erreur quant à la réalité de ce qui est désigné et participent de la promotion de pernicieuses chimères. La perversion du langage comporte le double effet pervers d'induire en erreur -par la fabrique d'idoles creuses - et d'entraver la pensée - par la corruption du lien des mots et des choses. Le  bien-dire  de l'honnête homme La conversion engagée par la fuite du mode des ridicules passes par un nouvel usage de la parole. [...]