Le 14 novembre dernier, un évènement apparemment paradoxal s'est produit dans le cadre du conflit social concernant la réforme des régimes spéciaux. Ce jour-là, Bernard Thibaut devait engager des négociations avec le gouvernement ; mais la base gréviste de son syndicat a refusé catégoriquement le principe de ce dialogue : pour elle en effet, accepter le recours à la parole signifiait engager une pacification prématurée de la situation. Il est ainsi courant en France de déplorer la crise du dialogue social ; qui tiendrait notamment au déficit de représentativité des élus, et aux caractères spécifiques des « partenaires sociaux ». Mais la question essentielle qui se pose derrière ces stratégies et contre-stratégies de communication, est celle du dialogue comme vecteur ; ou comme fossoyeur de la pacification, et de l'harmonisation sociale. Ainsi, la parole signifie-t-elle l'adhésion à une démarche d'entente en supposant une idée de culture commune, voire de connivence ; ou attise-t-elle les conflits par la « guerre des mots », et la domination artificielle des plus habiles ?
[...] Enfin, une partie de la communauté peut être tentée de pactiser, dans le cadre du débat politique, contre une autre partie de la population : c'est ce qu'on observe à travers certains slogans électoraux, ou par des clubs partisans de discussions par exemple. Pour conclure, parler signifie pactiser, dans le sens où ce comportement traduit l'appartenance à une communauté, à une culture collective. On devient humain par l'usage de la parole, et on exprime son existence sociale et politique par l'acceptation de recourir au dialogue dans le règlement des différends. [...]
[...] On peut même aller jusqu'à dire que l'Homme n'est véritablement un Homme que lorsqu'il dispose du langage. Mais cette possession individuelle de l'expression par la parole n'a pas d'utilité en soi : ce n'est que dans le cadre d'une communauté sociale puis politique identifiée, que s'accomplit la plénitude des usages de la langue. Dès lors, la relation au langage est double : L'Homme parle parce qu'il pense (le langage, même s'il est très efficace, n'est donc que l'instrument d'une pacification permise par la réflexion) ; Et l'Homme pense parce qu'il parle (l'échange verbal suscite des réactions, amène l'interlocuteur à questionner sa position, et éventuellement à la réviser) : c'est la base de l'idée de négociation. [...]
[...] L'Homme n'est pas n'importe quelle abeille affirme Aristote. En effet, si la communication est un comportement commun à toutes les espèces, seul l'Homme parle. Sans recours au langage par ailleurs, les moyens humains de communication apparaissent bien pauvres : des gestes et des attitudes uniquement, qui ne peuvent transcrire la richesse de la pensée. En cela, on parle premièrement pour pactiser avec l'espèce humaine, c'est-à- dire pour formaliser sa volonté de se départir de ses comportements de nature pour entrer dans la culture. [...]
[...] En cela, la connaissance de cette langue ne suffit pas à nous faire pactiser avec l'ensemble de sa communauté linguistique, même si elle facilite l'échange et l'activation d'ententes. II-A) Cette valeur culturelle et identificatrice du langage trouve un aboutissement dans la pratique politique, des Anciens comme des Modernes. Nous avons vu que la parole est une marque de participation à la vie politique et sociale ; mais il faut aussi souligner qu'elle appartient d'abord à ceux qui ont le pouvoir. [...]
[...] Parler, est-ce pactiser ? Le langage, vecteur privilégié de la communication, crée les conditions d'une vie sociale harmonieuse Parler, c'est d'abord pactiser avec l'espèce humaine Communication et langage : de la nature à la culture La parole est la première institution sociale (Rousseau) La parole, acte majeur d'adhésion à une communauté sociopolitique Le dialogue est constitutif d'un être à l'autre (Merleau-Ponty) La maîtrise et l'usage du langage, conditions centrales de l'intégration à la cité II- Les normes sociales et politiques institutionnalisant ce vecteur d'échange et de médiation, engagent un risque de dénaturation de ses fonctions pacificatrices Le dialogue : vecteur institutionnel ou illusion de l'harmonie sociale ? [...]
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