Philosophie, dissertation, conscience, conscient, inconscience, inconscient, pensée, corps, être, suis, parfois
« J'étais hors de moi » ; « je n'étais plus moi-même » : beaucoup d'expressions communes, sans que nous ne nous en rendions forcément compte, semblent remettre en cause la stabilité du moi. Ceci est d'ailleurs une préoccupation pour chacun tout au long de la vie : « suis-je le même qu'il y a vingt ans ? » ; le corps change, la pensée gagne en maturité et pourtant mon identité semble rester la même. Paul Valéry, dans Tel quel, formule ces interrogations d'une manière intéressante : « parfois je pense et parfois je suis ». De fait, notre questionnement doit porter non seulement sur une identité entre être et penser, mais encore sur la permanence de la pensée à tous les moments de la vie. Ainsi, nous pouvons problématiser notre réflexion comme suit : peut-on faire reposer tout notre être sur la pensée, dont la permanence ne semble pas aller de soi ? Il serait en effet effrayant de se dire : « je suis parfois vivant ! ». Nous tenterons de procéder logiquement en basant notre réflexion sur quelques opinions communes ; ainsi, nous étudierons dans un premier temps l'apparente instabilité du moi. Nous nous pencherons ensuite sur une possible identité du moi et de la pensée, et sur la pérennité de cette dernière ; enfin, nous évoquerons les problèmes que pose le corps dans notre problématique.
[...] Est-ce à dire pour autant « parfois je suis » ? Je ne cesse jamais d'être, même lorsque ma pensée n'est pas actualisée ; autrement dit, il est dans la nature de l'homme que ce dernier ne soit pas pensée pure ; mais cela n'autorise pas à dire qu'il n'est pas On peut certes rétorquer qu'il n'est pas être pur du fait de sa matérialité, mais cela sort de notre propos ; concluons donc en corrigeant la formule : « parfois je pense, toujours je suis ». [...]
[...] Ainsi, supposons donc une adéquation entre pensée et être : quand je pense, je suis. Puis-je également vraiment accepter l'idée que je ne suis pas en dormant ? En effet, même dans un profond sommeil sans rêves le moi subsiste. Prenons l'exemple d'un soldat qui, épuisé par les combats et une longue marche, tombe de fatigue au pied d'un arbre, sur le bord de la route. Le fracas d'un camion passant à quelques mètres de lui ne le réveillera probablement même pas ; et pourtant, il se réveillera immédiatement au moindre petit cliquement d'arme. [...]
[...] Cependant, peut-on vraiment tenir un tel discours ? Ce serait en effet considérer que l'homme est une sorte d'ange flanqué d'un corps, un esprit enfermé dans de la matière. Aristote développe l'idée que l'homme n'est pas que conscience absolue, et l'expérience sensible semble bien l'appuyer : pensons aux lapsus, aux actes manqués Il convient ainsi de poursuivre notre réflexion : si, contre Montaigne, l'homme n'est pas intrinsèquement instable à cause des passions et si, contre Freud, il n'est pas conditionné par une instance autonome, il n'est pas non plus, contre Descartes, un pur esprit. [...]
[...] D'où, d'après Hume, nos absurdes idées de substance ou d'âme. Montaigne, dans ses Essais, expose une thèse plutôt similaire : l'homme est indéfinissable de manière claire, car il est succession de passions changeantes. Conditionné par les événements extérieurs, il sera courageux un jour mais lâche le lendemain. L'inconstance semble ainsi être le plus grand vice de l'homme : suivant naturellement des passions qui s'actualisent dans l'instant (et qui sont directement appétits sensibles, d'où le lien avec Hume), il se trouvera agité de mouvements contraires tout au long de sa vie. [...]
[...] En effet, rien ne peut m'empêcher de penser ; et si je pense, je suis forcément quelque chose : « cogito ergo sum ». Dans l'absolu, la pensée est ainsi la vraie réalité de l'être. Le corps, par ses impressions sensibles, se retrouve souvent trompé car la matière est changeante (pensons à la cire qui peut être aussi bien solide que liquide). La vraie connaissance des choses s'effectue ainsi par une investigation de l'esprit. Je suis ma pensée, et cette dernière ne cesse jamais d'être. [...]
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