Oublier mémoire vertu
La vertu désigne ce qui élève la vie, en délivrant la force qui se trouve en elle par le simple fait de s'appliquer à vivre avec sérieux en épousant la qualité des choses. L'oubli constitue quant à lui la perte de souvenir.
Selon l'opinion courante, l'oubli a une connotation négative, il correspond à un « raté de mémoire ». Par exemple, quand nous essayons de nous souvenir d'un numéro de téléphone important, et que nous sommes dans l'incapacité de nous en rappeler, nous considérons cet échec comme une faiblesse, une défaillance de notre mémoire. L'oubli dans l'opinion courante est également associé à la vieillesse, qui lui confère une connotation d'incapacité, de dégénérescence intellectuelle.
Selon cette opinion, l'oubli n'est donc pas une vertu. Mais l'idée d'oubli n'est pas dissociable de celle de mémoire. En effet, si l'on oublie pas, c'est que l'on se souvient, que l'on possède un élément dans notre mémoire, volontairement ou non, mais qu'il est bien là, grâce à cette faculté de l'être vivant de conserver l'empreinte ou la trace de son passé et de s'y référer, grâce à cette capacité de convoquer le passé et de s'y mouvoir librement. Quelle est donc la place de l'oubli dans l'accomplissement de l'homme ? Est-il un élément de construction de l'identité, d'éducation, ou un fardeau lourd à porter ? Et, au final, l'homme contrôle-t-il vraiment sa mémoire et sa faculté à oublier ?
[...] Un amendement présenté par le député socialiste Gaston Defferre prévoit par exemple la réintégration dans leur cadre et leur grade des officiers ayant participé à l'OAS. En 1982, François Mitterrand fait également voter une loi qui permet aux généraux ayant organisé le putsch d'avril 1961 de toucher leur retraite. Ces lois d'amnistie peuvent également faciliter la reconstruction de nations entières. En Espagne par exemple, ces lois ont été fondamentales dans l'instauration d'un régime démocratique. Après la mort de Franco et trois ans de guerre civile, l'Espagne est épuisée, traumatisée. [...]
[...] Enfin, le terme oublier dans un langage plus trivial, revêt un second sens qu'il convient de traiter ici. Oublier peut aussi signifier pardonner, ne pas être dans le ressentiment, et pour cela, il faut savoir ce qu'on pardonne. Pardonner n'est pas perdre la mémoire, mais en avoir une, considérer le passé comme passé, et l'accepter. Cependant, l'oubli revêt des aspects positifs et bénéfiques pour l'accomplissement de l'homme. Selon Nietzsche, la notion de mémoire intégrale est absurde et n'a aucun sens. [...]
[...] De plus, sans conscience du passé, il est difficile de construire un avenir. La conscience du passé permet de s'en libérer, d'en faire le deuil. La conscience du passé est constituée de l'existence historique selon Aron. D'où le drame de l'amnésique, qui a un passé ignoré mais qui le détermine malgré tout et contre lequel il ne peut rien. De plus, dans le déroulement logique de la vie, il est nécessaire de comprendre son présent pour se construire un avenir. [...]
[...] Il faut réfléchir. Oublier est donc une opération ambivalente, ayant des effets positifs, tels la construction d'un futur meilleur grâce au souvenir des évènements passés, mais surtout grâce à leur compréhension. Que ce soit individuellement ou collectivement, nous semblons avoir besoin de manipuler notre mémoire, parfois d'oublier, dans des situations de crise, parfois, au contraire, de se souvenir, dans des situations où il faut se construire sur les bases du passé. Oublier ou ne pas oublier, oublier ou se souvenir, ces deux termes qui semblent contradictoires dans le sens ne le sont pas complètement. [...]
[...] C'est la théorie qui est également approuvée par Sigmund Freud. En effet, l'homme qui cherche à enfouir son passé dans l'inconscient ne se guérit pas de son mal, et se voit même encore plus malade. Le refoulement des souvenirs néfastes laisse apparaître ce que Freud appelle la névrose, caractérisée par des manifestations intempestives dans les rêves, les troubles obsessionnels du comportement, les actes manqués. Freud a montré qu'il ne s'agit pas d'un oubli mais d'un refoulement lorsque la conscience se refuse à prendre en compte le passé dans sa construction. [...]
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