Les mythes constituent un des aspects fondamentaux de la pensée gréco-romaine. Ce sont des « histoires » qui sont censées expliquer le réel et son fonctionnement aux hommes. Elles proviennent le plus souvent des épopées homériques et de la transmission orale de poèmes et autres récits. Elles ont un caractère anthropomorphique très marqué. On peut prendre comme exemple le mythe de l'origine du monde qui raconte l'apparition de la Terre, personnifiée par la déesse Gaïa, et du Ciel, personnifié par Ouranos, qui se comportent tels des hommes. Il en va de même pour les autres dieux. Tous ces récits forment un ensemble cohérent et constituent la mythologie grecque qui sera reprise en grande partie par la mythologie romaine à laquelle viendront s'adjoindre de nouveaux mythes. Elles sont les fondements des rites religieux des Grecs et des Romains.
Prométhée et Orphée sont deux figures éminentes de cette mythologie gréco-romaine. Prométhée est un Titan, fils de Japet de la nymphe Thémis. L'histoire de Prométhée est contée, entre autres, dans la Théogonie d'Hésiode. Lors de la création des êtres mortels par les dieux, Epiméthée, frère de Prométhée, et Prométhée lui-même sont chargés de distribuer les qualités et les forces de façon équitable entre tous ces êtres vivants. Epiméthée demande à s'en charger seul. Venue la fin de la répartition, Prométhée s'aperçoit qu'il ne reste plus rien pour l'homme. Il va alors tâcher de réparer cette erreur et s'empare du feu d'Héphaïstos à son insu pour le donner aux hommes et leur assurer un moyen de subsister. A travers le feu, c'est la technique et la culture que Prométhée transmet aux hommes. La deuxième partie du mythe illustre l'antagonisme entre les dieux et les hommes. On la retrouve dans le Prométhée enchaîné d'Eschyle. Zeus, furieux, décide d'envoyer Pandore, une femme dotée de tous les charmes qui détient une boîte contenant tous les maux, à Epiméthée. Celui-ci l'accepte malgré les réticences de Prométhée. Il ouvre la boîte et tous les maux se répandent sur Terre. Prométhée finit enchaîné sur une montagne et un vautour lui dévore le foie en permanence jusqu'à ce qu'Héraclès le délivre.
Ces mythes essaient de nous donner chacun à sa façon une explication de la nature. La nature occupe en effet une place centrale dans la pensée gréco-romaine, que ce soit en tant qu'ensemble des éléments naturels qui nous entourent, qu'ordre du cosmos ou encore en tant que nature même de l'homme. Prométhée et Orphée présentent deux rapports à la nature originaux et essentiels dans la pensée gréco-romaine. Une première opposition consiste en ce que Prométhée tente de dompter la nature, de l'apprivoiser par le développement de techniques tandis qu'Orphée recherche plutôt la symbiose avec la nature. S'agit-il d'attitudes foncièrement opposées face à la nature ? Il s'agirait de déterminer quelles sont les manifestations de ces différences et de mesurer l'apport de ces deux mythes et leur influence sur la pensée gréco-romaine.
Nous allons d'abord explorer le rapport à l'ensemble du vivant dans ces deux mythes. Puis nous évoquerons en quoi ils ont participé à l'élaboration de l'idée de cosmos chez les Grecs. Enfin, nous parlerons de leur impact sur la vision de l'homme dans la pensée gréco-romaine.
[...] Tous les biens étaient à eux : le sol fécond produisait de lui-même une abondante et généreuse récolte, et eux, dans la joie et la paix, vivaient de leurs champs, au milieu de biens sans nombre Au contraire, Eschyle considère la nature comme hostile à l'homme, avec des éléments naturels qui peuvent se déchainer contre lui (tremblements de terre, raz-de-marée), de multiples maladies qui peuvent l'accabler. L'homme doit donc se protéger contre la Nature, et même apprendre à la maitriser, à la dompter. Et c'est justement le rôle de la technique, du progrès scientifique et médical que de nous permettre de maitriser la Nature. D'où l'apologie qu'un penseur comme Eschyle fait de Prométhée. [...]
[...] Conclusion La confrontation de figures d'Orphée et de Prométhée permet donc bien de différencier des conceptions opposées de la nature dans la pensée gréco- romaine. Une lecture immédiate de ces deux mythes nous montre que la Nature, conçue en temps qu'ensemble du vivant, prend un statut radicalement différent selon qu'on se dit prométhéen ou orphéen. A travers le mythe d'Orphée, la pensée gréco-romaine plaide en faveur d'une sacralisation constante de la nature. Prométhée cherche quant à lui à objectiver la nature, et à la soumettre à l'Homme. [...]
[...] Prométhée et Orphée, deux attitudes face à la Nature 1. Des rapports différents avec le monde naturel . Dans cette première partie, nous restreindrons volontairement le concept de Nature à son sens le plus trivial, au sens écologique. La Nature est donc l'ensemble des éléments naturels. L'ouvrage de Pierre Hadot Le voile d'Isis explique bien à travers la description des mythes de Prométhée et d'Orphée deux rapports à la nature différents chez les Grecs et même à travers l'histoire de l'humanité : -Soit l'Homme se situe dans un rapport d'hostilité à la Nature, il asservi la Nature pour servir ses intérêts, améliorer son confort Prométhée incarne cette posture de l'existence, il dérobe le secret du feu à Zeus pour améliorer les conditions de vie des hommes. [...]
[...] En effet il est en véritable symbiose avec la Nature, avec les éléments naturels, avec les animaux. Cette harmonie avec la Nature est possible car la Nature lui est éminemment favorable, point de description de catastrophes naturelles ou de maladies qui s'abattent sur Orphée ; Orphée à travers sa lyre, sa musique et ses chants arrive à établir une véritable communication avec la Nature. Avec une Nature généreuse, bienveillante, à l'écoute on est ici loin de la conception moderniste d'Eschyle qui la concevait comme lieu de tous les dangers, indifférente à l'homme. [...]
[...] Bien décidé à la sauver, Orphée amadoue le redoutable Cerbère grâce aux accents de sa lyre et réussit à charmer Hadès qui consent à lui rendre Eurydice à la condition qu'il ne se retourne pas pour voir si Eurydice le suit bien avant d'être sorti des Enfers. Juste avant de sortir, il ne peut résister à la tentation et se retourne, provoquant la mort irrémédiable de sa femme. Inconsolable, il refusa alors l'amour des femmes de Thrace qui finirent par le mettre en pièces. Ces mythes essaient de nous donner chacun à sa façon une explication de la nature. [...]
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