Pendant la plus grande partie de son histoire, et encore au 19e siècle, l'homme a vécu dans l'horizon de la religion, dans un monde où les superstitions, les rites religieux et la foi avaient une place prédominante. Cependant, alors que l'Europe semble profondément empreinte de la religion et de l'influence de l'Église, Nietzsche écrit dans son ouvrage Le gai Savoir, publié en 1882, que « Dieu est mort ». L'expression peut surprendre, et il est nécessaire de se détacher de son sens littéral, car il serait absurde de dire que Dieu est mort physiquement, et il serait erroné de penser que l'homme a désormais éradiqué toute religion et toute croyance. Par ces mots, Nietzsche entend en fait que l'homme est passé, pour reprendre l'expression de Max Weber, d'un monde « enchanté », où l'Église et le divin étaient transcendants dans le domaine du savoir et de la morale, à un monde « désenchanté », c'est-à-dire à une ère caractérisée par la rationalisation, où l'homme, qui s'est affranchi de sa tutelle politique, veut désormais s'affranchir du religieux. Ce processus de désenchantement du monde a pris sa source dès les Lumières, qui prônaient l'examen de toute chose au « crible de la raison ». Il a principalement lieu dans une Europe occidentale chrétienne, avec quelques minorités juives, et commence à la fin du 18e siècle pour s'engranger véritablement à partir de 1850, à la suite du Printemps des Peuples, au plus fort de la révolution industrielle, du progrès de la science et de la sécularisation. Il se prolongera jusqu'en 1914, date à laquelle les mentalités sont bouleversées pour une raison bien différente, qui est le traumatisme de la Première Guerre mondiale.
[...] Le Saint-Siège se protégeait grâce à des concordats avec les Etats, qui permettaient de régler les différents et de s'accorder sur les droits de chacun. Certains Etats, comme l'Autriche avec le concordat de 1855 dans le cadre de la politique Bach, y ont encore recourt. Cependant, dans le second 19e siècle, des Etats comme l'Allemagne, la France, l'Italie et l'Angleterre, expriment la volonté de mettre un terme au lien qui les unit à l'Eglise, et de mettre fin à son statut juridique. [...]
[...] Cependant, il ne faut pas oublier que cet affaiblissement causé par la difficulté d'adaptation de la religion à la modernité, donne lieu à une réorganisation de celle-ci en dehors de la scène politique, à de nouvelles méthodes de rassemblement des fidèles, à renouveau de la foi sous une forme plus personnelle. Il s'agit donc plus d'un recul ou d'une remise en question que d'une mort, et si l'on parle de mort de la religion certains domaines, il est alors nécessaire de parler de renaissance dans d'autres. [...]
[...] Dès 1852, le premier ministre du Piémont, Cavour, qui tient rancune au clergé d'avoir participé à la réaction en 1848, ferme une centaine de couvents et s'en prend à l'influence de l'Eglise. Les relations se durcissent entre l'Etat italien à la suite de la prise de Rome par les troupes italiennes en 1870. Le Pape se considère comme un prisonnier de Rome, il refuse tout lien avec un Etat qu'il ne reconnait pas comme tel. Jusqu'aux accords de Latran en 1929, la papauté ne cessera de réclamer ses Etats, qui lui sont retirés en 1870 pour terminer l'unification de l'Italie. [...]
[...] Même les valeurs enseignées par l'Eglise sont de moins en moins respectées. Depuis la loi Naquet de 1884, le divorce est rétabli en France et les chrétiens n'hésitent pas à y recourir, alors que l'Eglise condamne cette pratique. De plus, les superstitions elles-mêmes reculent, notamment avec le développement de l'alphabétisation et de la scolarisation et du progrès de la science, qui rationalise le rapport à la nature. Les fidèles sont donc de moins en moins enclins à craindre les malédictions ou les représailles divines. [...]
[...] De plus, la science établit un partage strict entre ce qui est possible et ce qui est impossible ; les miracles par exemple, apparaissent physiquement impossibles. La science éradique l'indétermination et comme le dit Vacherot, dans La Religion publiée en 1868, La science, voilà la lumière, l'autorité, la religion du 19e siècle La science devient alors presque, pour certains, un substitut de Dieu, par les nouvelles réponses qu'elle délivre et toutes les possibilités nouvelles qu'elle offre. Ernest Renan déclare en 1848 : La science est une religion [ ] elle seule faite résoudre à l'homme ses éternels problèmes Alors qu'on avait autrefois recourt aux pèlerinages pour faire des miracles en matière de santé, on peut désormais faire confiance à la médecine, alors qu'on se basait sur l'interprétation religieuse pour comprendre le monde, on peut dorénavant se référer à la science. [...]
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