Dans son sens premier, la liberté du latin libertas est définie comme une indépendance, un libre pouvoir qui s'oppose à l'état d'esclavage ou de servitude, et donc aussi à toute contrainte exercée par un homme sur un autre. Cependant, il est nécessaire de distinguer la contrainte c'est à dire être sous les ordres de quelqu'un d'autre et l'obligation dans le sens d'obéir aux ordres instaurés par des principes fondamentaux et par des valeurs morales que l'on partage, bien que dans les deux cas, la liberté individuelle ou naturelle qui consiste à faire tout ce que l'on désire est bafouée. En effet, si l'on admet qu'en aucune manière l'ordre, même formulé en termes d'utilité, de bonheur, de volonté, ne peut venir entraver l'exercice de la liberté individuelle, force est toutefois de reconnaître la difficulté rencontrée pour agencer un tel refus avec la préoccupation d'équilibre social. De fait, la notion de liberté contient en elle-même sa propre limite, sous la forme de la réciprocité, et du fait que l'autonomie accordée à chaque individu doit être compatible avec la même autonomie pour tous les autres. Se pose ainsi le problème de l'individualisme qui peut relever de l'indépendance et d'un idéal qui viserait dans l'affirmation pure et simple de sa personne comme valeur imprescriptible et s'opposerait alors à l'idée d'une soumission établie à un ordre imposé. Pourtant si les peuples pratiquaient la vertu, il n'y aurait pas besoin que l'Etat instaure un ordre pour la faire respecter. De fait l'ordre ne peut pas tolérer toutes les libertés. On peut alors se demander s'il ne faut pas voir dans la constitution de l'ordre politique un mal nécessaire destiné à suppléer un défaut de vertu des individus. Il faudrait alors obéir à l'ordre mais au nom de quelle légitimité ?
D'un côté, l'ordre contraint la liberté individuelle et donc la fantaisie du désir par les règles et les lois qu'elle impose sur le mode hétéronome pour rendre la vie commune possible. D'un autre côté, cet ordre est la condition de la libération puisque la liberté individuelle comme absence de contraintes peut de fait s'avérer être plus absence de liberté en suivant aveuglément ses appétits, le problème restant de montrer à quoi on peut obéir en restant libre. Enfin nous admettrons que renoncer à cette forme illusoire de la liberté, donne les moyens, si les règles de société sont justes, de gagner une forme plus élevée de liberté, consistant à épanouir son humanité en vivant en harmonie avec les autres.
[...] De fait, un pouvoir n'est légitime qu'à la condition d'assurer l'ordre dans la liberté. C'est pourquoi il réfute l'idée d'une servitude volontaire qui n'assurerait la sécurité des hommes qu'au prix de la perte de leur liberté par quoi se définit leur humanité. Le respect que les hommes se doivent à eux-mêmes suppose en effet que dans celui à qui ils obéissent, ils ne voient pas un maître qui les opprime mais l'organe d'une loi garante de leurs libertés. Prenant l'apparence pour la réalité, les hommes politiques et les philosophes pensent que la soumission des peuples à leurs gouvernants serait le résultat d'un contrat aux termes duquel les hommes auraient procédé à l'échange d'une liberté dans l'insécurité au profit d'une paix dans la servitude. [...]
[...] L'obéissance est donc exigible de lui. Ce droit des parents à exiger l'obéissance ne saurait toutefois se transformer en exigence d'obéissance servile. L'autorité des parents est fondée sur le fait que la liberté de l'enfant est prisonnière de la nature, c'est-à-dire ne distingue qu'à peine du désir brut et de l'immédiateté de la satisfaction. Le but de la contrainte qu'ils exercent est l'éducation, c'est donc une contrainte qui vise sa propre suppression, qui contraint pour le libérer. De la sorte, l'enfant devenu adulte pourra contribuer à son épanouissement et à celui de son Etat, comme le souligne Brunschvicg dans Progrès de la conscience, le bon citoyen obéit à la loi ; meilleur est celui qui améliore la loi Conclusion A l'issue de cette analyse, nous devons convenir que la liberté est la capacité d'inventer le mode de vie qui lui convient en s'inventant lui-même dans une création de soi par soi. [...]
[...] Or la loi morale est la raison qui nous fait connaître la liberté et la liberté la raison de l'être de la loi morale qui sans liberté ne pourrait être obéie. Ainsi, Kant montre que les négations naïves de la liberté s'appuient généralement sur les arguments de la conscience immédiate et de l'expérience sensible. Et qu'il faut tenir pour nulles les objections contre la liberté qui prendraient appui sur l'un ou l'autre de ces fondements. C'est donc grâce à une exigence morale inconditionnée tu dois vouloir que ta maxime vaille en même temps comme loi universelle et seulement grâce à elle que nous devons postuler la liberté humaine. [...]
[...] L'aliénation comme réponse à l'angoisse de la liberté. La peur de la liberté ne suffit pourtant pas à elle seule à rendre compte de la servitude volontaire. A cet égard, les pouvoirs ont de tout temps su que gouverner ce n'est pas contraindre mais séduire, offrir des plaisirs en donnant aux hommes assez de pouvoir pour qu'ils jouissent de l'exercer sur ceux qui leur sont immédiatement inférieurs, sans toutefois que cette parcelle de pouvoir soit telle qu'ils risquent d'en user sur ceux qui leur sont supérieurs, pour prix de la passivité. [...]
[...] On peut dès lors être tenté de combattre l'individualisme en lui opposant les vertus de civisme. En effet, l'indépendance à laquelle l'individu résume sa liberté lui paraît être la meilleure garantie à sa vie privée, mais non seulement elle le prive de toute influence politique, mais elle le prive encore de son humanité puisqu'elle le soumet à des lois auxquelles il peut consentir mais dont il n'est pas l'auteur. Or l'indépendance n'a de sens que par l'autonomie qui implique la participation des citoyens à l'élaboration et au contrôle des lois dont il est l'auteur et le sujet. [...]
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