En 1936, longtemps après sa théorie de la relativité, Albert Einstein écrit « Ce qu'il y a d'incompréhensible, c'est que le monde soit compréhensible ». En effet, au-delà de notre capacité limitée à saisir le monde, les théories scientifiques du XXe siècle montrent un univers régi sur les principes de matières et mouvements, comme les théories du désordre en chimie.
L'ordre est un ensemble cohérent, arrangé, s'appliquant à des éléments unis par des relations d'ordre. Il peut se présenter sous la forme d'un ordre inhérent à toute matière, lui procurant la qualité de conservation d'être : on peut prendre l'exemple d'une bactérie unicellulaire, où les éléments du noyau agissent sous l'impératif de conservation.
[...] Ordre et désordre sont bien deux termes opposés. Cependant tandis que que le terme d'ordre peut prendre plusieurs sens, le sens de désordre se réduit à l'opposition du sens que l'ordre prend. En effet, le terme désordre n'a pas de définition positive elle ne se définit qu'en opposition à l'ordre. C'est l'un des révélateurs de la faiblesse de l'usage de ce mot. En effet, il peut à la fois désigner chaos et néant, discordance ou anarchie. Ceci témoigne de notre volonté d'expliquer le monde par la présence d'un ordre législateur qui gouvernerait la contingence du monde, auparavant représentée par la figure du divin, aujourd'hui expliquée rationnellement par la science. [...]
[...] On parle d'ailleurs ordre social ou de déviances pour qualifier l'ordre et le désordre dans la société. Si l'ordre est nécessaire et que le désordre est à congédier pour une intelligibilité du monde, cette conception manque le vrai réel selon Bergson. En effet, il n'existe pas de désordre ; l'existence de ce terme témoigne de la capacité limitée de l'intelligence à saisir le mouvant car en effet un élément est possible car il existe, et non pas l'inverse. En effet, réduire ce que nous ne pouvons expliquer ou appréhender à un désordre, serait supposer que nous disposons de facultés illimitées et que nous soyons capables de comprendre le monde dans son unité, de comprendre l'ordre du monde. [...]
[...] Or c'est le cheminement inverse que doit faire notre esprit pour saisir l'ordre véritable des choses. La réalité d'un élément nous informe qu'il fut ordonné. Notre intelligence, s'attachant à saisir une complexité simplifiée ne peut que se confortée dans des éléments qui lui évoquent un ordre similaire ; cette action de l'intellect déprave l'ordre auquel l'élément fut rattaché. Bergson, dans La pensée et le Mouvant, prend l'exemple de la symphonie, qui ne correspond aucunement à l'ordre mécanique que l'on se forge : La symphonie ne résidait pas en qualité de possible avant d'être réelle : quand on est conduit à s'intéresser à un artiste en train de produire son œuvre, la formule de Bergson prend tout son sens et nous invite à rejeter la logique habituelle de l'ordre mécanique de notre intellect. [...]
[...] Il n'y a donc pas de place pour le désordre dans une réalité sensible. Les architectes grecs ont ensuite perpétué cette vision du monde sur leur art. On nomme ordres de l'architecture les différents types de construction architecturale. L'ordre est ici un ensemble cohérent dont la base fixe le plan mais surtout l'élévation de la construction. L'ordre ionique reproduit les proportions du corps masculin tandis que l'ordre dorique celles du corps féminin. C'est bien cette notion d'ordre sur le modèle de l'ordre biologique, du vivant qui est à l'œuvre dans l'architecture : des constructions très ordonnées, très rationalisées qui correspondent à une vision de l'ordre du monde. [...]
[...] Dans cette conception, n'existe-t-il pas que de l'ordre ? L'ordre comme finalité nous invite à considérer la nature toute entière comme ordonnée, et par opposition le désordre comme néant ou chaos. En effet, dans l'antiquité grecque on considère le cosmos comme arrangement suprême du monde, sur le modèle des mathématiques. Chez les grecs, le cosmos est le principe organique d'unité du tout. Il est un monde harmonieux, clos sur lui-même, qui est régi par un ordre suprême puisqu'il comporte en lui les lois du vivant, les relations d'ordre entre les éléments qui le composent, et se place en opposition au chaos, où le désordre règne : à ce qu'assurent les doctes, le ciel et la Terre, les Dieux et les hommes, sont liés entre eux par une communauté [ ] ils donnent, mon camarade le nom de cosmos, d'arrangement et non celui de dérangement non plus que de dérèglement Platon, Gorgias, 507e-508a. [...]
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