Pouvons-nous alors convaincre autrui qu'une oeuvre d'art est belle ? Pouvons-nous lui transmettre objectivement et de façon raisonnée une appréciation aussi subjective que le beau, une appréciation qui ne répond pas à des données scientifiques mais à un ensemble de ressentis ? Quelles en seraient les conséquences pour autrui, qui est à la fois notre égal, notre alter ego, mais aussi et avant tout un autre, une personne différente de moi ? (...)
[...] Convaincre autrui de la beauté d'une œuvre d'art semble ainsi irréalisable à deux niveaux. Tout d'abord, d'un point de vue théorique, cela me sera impossible : je me heurterai en effet à des difficultés en cherchant à nommer la beauté, et je ne pourrai pas transmettre à autrui mon sentiment profond si lui-même ne l'a pas ressenti en même temps que moi. Cela semble également inconcevable sur le plan humain, je détruirais en effet l'altérité d'autrui, je le priverais de sa liberté. [...]
[...] Quelle position puis-je alors adopter si autrui n'est pas, comme moi, saisi par la beauté d'une œuvre ? Accepter et écouter son point de vue n'est-il pas la solution la plus sage ? Mettre l'avis de l'autre à côté du mien sans pour autant le renier peut en effet m'apporter une vision nouvelle de l'œuvre, me montrer un aspect que je n'avais pas encore vu, et peut peut-être même me permettre de mieux l'apprécier. En confrontant ainsi deux visions subjectives je pourrai en effet arriver à avoir une vision plus objective de l'œuvre. [...]
[...] II] Est-il en outre légitime de tenter de convaincre autrui de la beauté d'une oeuvre d'art ? Il semble ainsi impossible de convaincre autrui qu'une œuvre est belle, mais si cela était possible, pourrait-on néanmoins le faire dans le sens où cela serait acceptable ? Pourquoi cherché-je à convaincre autrui de la beauté ? N'est-ce pas avant tout pour avoir sa reconnaissance, pour me sentir reconnu de lui s'il partage mon jugement ? Ma démarche apparaîtrait alors égoïste. Il semble difficilement concevable d'imposer à autrui mon appréciation subjective comme une réalité universelle qui serait la seule à être acceptable. [...]
[...] Est-il techniquement possible de convaincre autrui de la beauté d'une oeuvre d'art ? Convaincre autrui de la beauté d'une œuvre d'art m'obligerait à lui expliquer le beau et son pourquoi de façon raisonnée. Le beau peut-il cependant se nommer ? Si certains artistes suivent des normes très strictes et très académiques, ne dérogent pas à la règle de la perspective en peinture et s'emploient à écrire des poèmes en alexandrins et à ne traiter que des sujets nobles selon les codes du classicisme, nombreux sont ceux qui se sont affranchis de ces contraintes, à l'exemple des impressionnistes, des surréalistes qui prônaient l'écriture automatique et de poètes tels que Francis Ponge qui, en décrivant un parallélépipédique sac de toile dans lequel sont contenues des milliers de plumes donnait une dimension poétique à un édredon, transformait la réalité prosaïque en beauté ; le beau ne peut ainsi pas être défini selon des règles précises et l'art naît lui-même souvent de la transgression de ces règles. [...]
[...] Sujet : Peut-on convaincre autrui qu'une œuvre d'art est belle ? (niveau terminale Introduction. Le peintre assis devant sa toile a-t-il jamais peint ce qu'il voit ? dit Aragon dans l'un de ses poèmes. L'art serait alors une vision déformée du monde, une vision propre avant tout à chacun de nous. La beauté elle-même serait ainsi subjective, chacun verrait dans une œuvre une représentation qui lui correspond, chacun aurait face à une œuvre un sentiment différent. Pouvons-nous alors convaincre autrui qu'une œuvre d'art est belle ? [...]
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