Il semblerait que la plupart du temps, la définition de l'oeuvre d'art est liée à celle de la représentation sous bien des aspects. Aristote par exemple, considère qu'une œuvre d'art est représentationnelle car elle imite le réel : si l'objet imite le monde dans lequel il s'inscrit, il devient forcément une œuvre d'art. Il existe pourtant une différence entre la notion de représentation et celle d'imitation. Mais globalement, la théorie Platonico-aristotélicienne ne semble pas prendre cela en compte : si les raisins de Zeuxis imitent parfaitement ceux de la réalité, s'ils représentent parfaitement leur référent, et que même les oiseaux s'y trompent, alors le tableau, l'image, sera une œuvre d'art, et des plus réussies. Mais est-il vraiment nécessaire pour une oeuvre d'art de montrer ce dont elle s'inspire, si elle veut être considérée comme une œuvre d'art ?
On peut facilement constater que de nos jours, cette théorie représentationnelle ne fonctionne plus vraiment. Il n'est d'ailleurs peut-être pas question de savoir si la représentation est perpétuellement présente dans l'oeuvre d'art, mais plutôt comment elle s'y manifeste. Cela supposerait qu'il existe plusieurs degrés de représentation, de la plus simple imitation visuelle à la plus complexe (et presque invisible, si l'on peut dire) "citation" perceptuelle ou sensorielle. Dans ce dernier cas, il apparaîtra qu'autant à un certain niveau de l'analyse d'une œuvre ou même qu'à sa simple arrivée dans le réel, une certaine notion de la représentation devient indissociable de l'œuvre d'art elle-même, à travers un processus de comparaison, d'association avec des images connues, et bien réelles par exemple.
[...] Il est plus aisé d'imaginer un lien entre un objet réel et une oeuvre d'art lorsque justement celle-ci n'est censée ne rien représenter de réel. Plus l'oeuvre est simple, plus le commentaire prend de place. On peut énormément écrire sur des sculptures et des objets auxquels le spectateur peut rapidement donner une interprétation, ou faire une lecture sémiotique de l'oeuvre. Donald Judd par exemple veut annihiler toute trace de l'illusion que permet une image : représentation et chose représentée doivent se confondre. [...]
[...] Le souci est que pour une même image, il y ait une interprétation générale possible. Cela est étrange, sachant, cela est naturel, que nous n'avons jamais exactement la même vision ou idée d'une image (ou même d'autre chose) que notre voisin, qui a pourtant vu la même chose au départ. Si une entente est créée, c'est en partie grâce à la sémiotique : l'interprétation et la réception surtout d'une image dépendraient de ce qu'elle raconte, et ce, en référence à des codes visuels bien précis. [...]
[...] Et par conséquent, à nos yeux cette œuvre finit toujours par représenter quelque chose. Avec l'exemple du Minimal Art, Richard Wollheim, qui a donné à ce courant son nom en 1965, conteste la théorie sémiotique de la représentation avec l'exemple du minimalisme : la représentation sémiotique nécessite un savoir spécifique assez précis pour que le spectateur puisse interpréter et par là apprécier une oeuvre. Ce qui restreint extrêmement la notion de perception qui pourrait entrer dans le champ artistique. "Pour toute théorie sémiotique, la saisie de la signification représentationnelle est fondamentalement une activité interprétative et non perceptuelle." Esthétique contemporaine) Ce qui bloque désormais la vision sémiotique de l'interprétation d'une œuvre, c'est que l'art a évolué, dans le sens où l'imitation s'est vraiment détachée de la représentation dans la plupart des cas. [...]
[...] Autrement dit ici l'œuvre d'art ne représente pas quelque chose de visuellement concret, mais plutôt quelque chose de plus direct d'un point de vue sensoriel. On pourrait reprendre pour appuyer ceci une théorie de Gombrich cité par John Hyman dans l'Esthétique contemporaine : Le but que recherche l'artiste [est] un effet psychologique. (p. 254). Autrement dit, peu importe le moyen, le projet le plus important et moteur du travail de l'artiste serait de toucher directement le spectateur, sans lui imposer une image à analyser avec une théorie iconique de la représentation, si l'on peut dire, qui reprend codes et conventions sémiotiques. [...]
[...] Où même, le but de l'artiste est peut-être de se détacher de toute représentation justement. Seulement le titre paraît explicite : carré blanc sur fond blanc. Il semble tout de même que si l'on doit rapporter cela à quelque chose de connu (mais pas forcément concret) alors on est dans la plus pure et simple représentation d'un carré blanc sur un fond blanc. La notion de représentation serait-elle à ce moment-là, puisqu'elle n'est plus vraiment située dans le concret, intrinsèque à l'œuvre elle-même ? [...]
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