L'émergence actuelle d'une « société civile mondiale », du fait des réactions aux problèmes environnementaux, de la prise de conscience des inégalités que la mauvaise gestion de la mondialisation a engendrées, tant entre les Nations qu'en leur sein, mettrait en évidence qu'il existe une lutte des idées très intense. C'est, quoi qu'il en soit, ce qu'essayent souvent de nous montrer les médias. Mais, qu'entend-on exactement par « lutte des idées » et cette notion floue a-t-elle un sens ?
S'interroger sur le sens d'une notion est toujours légitime. En effet, la notion, contrairement au concept qui se définit comme une représentation générale et abstraite mais avant tout rigoureuse qui en fait l'instrument privilégié de la connaissance, consiste en une représentation élémentaire, voire superficielle, et éventuellement marquée par des déterminations idéologiques ou génératrices d'illusions. La notion est donc une vue générale, quelque chose de vague, dont les fondements peuvent bien souvent être peu pertinents et discutables. C'est le cas de la notion de « lutte des idées », dont l'appréhension nécessite une définition claire des termes.
Ici, on entend par idée, non pas l'Idée platonicienne c'est-à-dire l'idée conçue comme forme intelligible modèle de toutes choses, comme réalité non perçue et pourtant plus réelle que les êtres sensibles, mais plutôt une opinion personnelle, fondée ou non. L'idée -autre qu'une rhétorique vide- naît toujours d'une différence, sinon il s'agit d'une tautologie : l'idée est ce qui ouvre un sens nouveau, qui fait événement. A la lumière de cette définition, la notion de lutte des idées semble faire sens, pouvant s'incarner par exemple dans la politique et les débats d'idées. Pourtant, nous le verrons, le débat d'idées n'est pas synonyme de la lutte des idées. En fait, cette approche, beaucoup trop simpliste, néglige la portée réelle du mot lutte. La lutte est toujours une lutte pour le pouvoir, pour la domination, et s'inscrit toujours dans une logique vainqueur / vaincu qui en fait une lutte à mort, à l'image de la « lutte des classes » chère à Marx qui constitue aussi une lutte des idées. Mais peut-on vraiment parler d'une lutte à mort dans le domaine des idées ? Si des luttes idéologiques peuvent effectivement exister, le terme est peut-être un peu fort. Ne faudrait-il pas plutôt parler d'une confrontation d'idées ? Et finalement, quel régime social et politique donnerait un sens à cette notion de lutte des idées ?
[...] La lutte est toujours une lutte pour le pouvoir, pour la domination, et s'inscrit toujours dans une logique vainqueur / vaincu qui en fait une lutte à mort, à l'image de la lutte des classes chère à Marx qui constitue aussi une lutte des idées. Mais peut-on vraiment parler d'une lutte à mort dans le domaine des idées ? Si des luttes idéologiques peuvent effectivement exister, le terme est peut- être un peu fort. Ne faudrait-il pas plutôt parler d'une confrontation d'idées ? Et finalement, quel régime social et politique donnerait un sens à cette notion de lutte des idées ? [...]
[...] L'idée jaillissant de la différence, on pourrait en effet imaginer une société où le débat d'idées serait définitivement clos car elle aurait atteint l'Egalité. Mais il s'agit seulement d'un idéal, irréalisable, vers lequel la confrontation d'idées doit permettre de tendre. Finalement, la démocratie est le régime qui permettrait de s'approcher des Idées platoniciennes ; le débat d'idées serait la source de leur accomplissement. Lorsque Platon écrit dans Phèdre qu'une intelligence d'homme doit s'exercer selon ce que l'on appelle Idée, en allant d'une multiplicité de sensations vers une unité, dont l'assemblage est acte de réflexion ne retrouve-t-on pas les principes mêmes de la progression dans le cadre d'un système démocratique ? [...]
[...] La société démocratique doit finalement être capable de former des êtres doués de raison, selon la définition kantienne. Les médias auraient également un rôle à jouer dans l'accomplissement de l'idéal démocratique. Ils doivent permettre à la population d'accéder à l'information, sans distorsions. Malheureusement, le média dominant qu'est aujourd'hui la télévision est bien souvent plus centré sur l'aspect spectaculaire de l'information que sur la compréhension réelle des phénomènes que, seules, les images illustrent. Par ailleurs, la presse écrite, qui devrait a priori éviter ce problème, traverse actuellement une crise : les statistiques montrent que de moins en moins de jeunes lisent un journal, ce qui constitue un véritable danger pour la démocratie et le débat d'idées. [...]
[...] Tout d'abord, il s'agit de s'interroger sur l'origine des luttes. René Girard tente de le faire, en s'appuyant, entre autres principes, sur ceux que nous venons d'évoquer, selon lesquels la naissance d'une idée est une réponse à une différence, et la lutte pour la faire émerger et la laisser dominer, peut devenir une lutte à mort Cet auteur considère ainsi que la caractéristique essentielle de l'homme, un invariant culturel, est le désir mimétique, source de la rivalité mimétique puis de la violence mimétique : pour lui, l'homme désire ressentir et avoir ce que l'autre ressent ou possède. [...]
[...] La démocratie -le moins mauvais des régimes- suppose en effet que soit refusée la lutte à mort et que le fonctionnement fondé sur le modèle vainqueur / vaincu laisse la place à un fonctionnement qui privilégierait l'intérêt du collectif où tout le monde serait vainqueur ; et, cette mort, si elle existe, doit être celle des inégalités et des injustices. La mort doit rester symbolique : il ne peut y avoir de mort réelle de l'autre. La démocratisation apparaît comme le processus qui, en institutionnalisant la lutte des idées, fait de cette lutte une confrontation : la transcription de la lutte des idées, notamment en politique, adoucit l'affrontement et permet au débat d'idées d'avoir lieu. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture