Deux figures fondatrices de la civilisation occidentale témoignent de la scandaleuse dissociation entre la justice des justes et la justice judiciaire : Socrate d'un coté, Jésus de Nazareth de l'autre. En somme, ce n'est manifestement pas seulement d'après ce que prescrit la loi que nous jugeons de ce qui est juste et, surtout injuste puisque tous deux ont été condamnés par la justice des hommes : alors d'après quelles normes jugeons-nous de l'injustice ? Les normes sont à comprendre ici et d'abord au sens de lois, de règles et seulement ensuite au sens de ce qui est définit la « normalité ». Quelles sont ces lois ? (...)
[...] Bref si nous jugeons bien d'après des normes de justice l'injustice, sont-elles variables ? Une chose est sure, l'ensemble des prescriptions ce qu'il faut faire et ce qu'il ne faut pas faire, a pour propriété fondamentale de ne pas se contredire soi-même. Il ne saurait, dit Kant, y avoir de conflits de devoirs, si les devoirs sont prescrits par la raison. De même il ne peut y avoir contradiction entre deux lois, l'une interdisant ce à quoi l'autre l'oblige, ou autorisant ce que l'autre interdit. [...]
[...] Et pourquoi si la disproportion est vraie, n'est-elle pas aperçue de ceux-là même qui jugent ? Pourquoi finalement Socrate a-t-il été condamné ? Nous savons bien que la raison calculatrice peut épouser des logiques qui peuvent être immorales. Comme nous savons bien que la loi peut être contestée au nom de la conscience morale qui nous unit sans distinctions culturelles, religieuses, raciales. Mais si les normes que nous suivons sont d'abord celles de notre conscience morale, comment se fait-il que des lois civiles y échappent alors qu'elles devraient toujours passer par elle ? [...]
[...] De la même façon un régime démocratique ou d'égalité, la liberté et la solidarité des citoyens sont des normes, peut commettre des injustices. Le procès de Socrate s'est déroulé dans le respect des lois démocratiques d'Athènes et pour autant le jugement rendu était injuste. Pourquoi ? Parce que disproportionné. La disproportion entre la réalité des faits, l'accusation et le jugement, ou encore entre la réalité et les actions commises à son encontre est donc ce qui sert à évaluer l'injustice mais comment évalue-t-on qu'il y a disproportion ? [...]
[...] Si quelque chose a été fait et qui n'aurait pas du l'être, si quelque chose qui aurait du être fait ne l'a pas été, c'est cette exigence normative qui définit la justice même, à la fois au sens de ce qui a été enfreint par l'injustice, et ce qui doit la corriger ou, en d'autre termes, se défendre ou se rétablir soi-même. Les lois civiles suivent généralement ces critères moraux. Sommes-nous alors bien surs que ce qui est exigé et qui est érigé en norme soit toujours incontestable, vrai ? Car ne suffit-il pas de changer de normes pour changer le contenu de l'injustice ? N'est-ce pas parce que nous reconnaissons identiquement et communément ce qui, dans des faits commis, est juste ou injuste ? [...]
[...] Donc les normes d'après lesquelles nous jugeons de l'injustice ne s'arrêtent pas au code civil, pénal, à la justice judiciaire mais recouvrent la notion de déséquilibre injustifié et illégitime au regard de la conscience morale. Ainsi l'injustice peut se faire reconnaître et juger comme elle peut aussi passer inaperçue mais une fois identifiée elle ne saurait être contestée par la raison. La vraie difficulté est plutôt de ne pas se tromper sur les faits et sur leurs auteurs car le fait a toujours besoin d'être vérifié, établi et surtout d'être imputé aux bonnes personnes. [...]
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