On aurait pu tout aussi bien titrer : essai d'analyse de la critique nietzschéenne de la pensée logique. Car c'est bien de cela qu'il s'agit : en marge du cours d'histoire de la logique de M. James Gasser, porter le regard critique du philosophe sur le système logique. La logique se veut une recherche scientifique des modes de raisonnement qui forment l'ossature de toute pensée rationnelle. De plus, elle a à faire à des concepts tels que celui de vérité et à des principes fondamentaux comme la non-contradiction ou la causalité. En tant qu'étudiant en philosophie, il me paraît intéressant, si ce n'est nécessaire, d'entreprendre une critique philosophique de ce système primordial pour toute l'histoire de la réflexion intellectuelle. La portée universelle qu'on attribue aujourd'hui au système logique comme unique mode de pensée possible, l'incapacité qui est celle de l'homme d'imaginer un monde autre que ce monde logiquement décrit et logiquement vécu, et enfin le rôle de pierre angulaire qui est celui de la pensée logique, tout ceci incite le philosophe au doute, au scepticisme, et, pour tout dire, à la circonspection la plus vigilante.
[...] Cette recherche sous-tend entre autres que la Vérité existe, qu'il n'existe qu'une et qu'une seule vérité, et que celle-ci peut-être trouvée par des moyens dont l'homme dispose. Mais ces conditions de validité de la logique ne sont pas explicites. Les réalités qui sous-tendent l'édifice logique sont des axiomes dont on ne cherche pas à prouver la vérité. Elles sont implicites, “naturelles”. Or Nietzsche s'insurge contre ce manque de probité philosophique. Un philosophe se doit d'être sceptique, et donc de remonter jusqu'aux présupposés des doctrines traditionnelles. [...]
[...] Est-ce suffisant pour en faire une vérité? On retrouve ici encore le même schéma de réfutation. Prenons l'exemple des processus de pensée: ceux-ci nous semblent régis par la même loi implacable, celle de la causalité. Cette pensée dont il est question en logique, ce mode de penser où la pensée elle-même est supposée cause d'autres pensées, est le modèle d'une fiction achevée: cette sorte de pensée n'existe jamais dans la réalité, mais elle sert de schéma et de filtre à l'aide desquels nous diluons et nous simplifions les phénomènes réels et extrêmement complexes qui composent la pensée; de telle sorte que notre pensée devienne saisissable, notable et communicable par signes. [...]
[...] On ne peut avoir de jugement vrai sur une chose, on ne peut connaître la vérité d'une chose, puisque les choses sont par essence fausses. La chose est une invention. C'est un fragment de devenir, une parcelle du continuum. Les choses sont de grossières simplifications du réel. Par suite, aucun raisonnement ne peut-être vrai s'il est porté sur les objets du langage. Et comme notre mode de raisonnement ne saurait se faire hors des schèmes que propose la logique et que régente la grammaire, le vrai n'existe pas. [...]
[...] Dans ce travail, les renvois à la Volonté de puissance de Nietzsche font référence à: Nietzsche, La Volonté de puissance, traduction de G. Bianquis, Gallimard, Paris et seront abrégées comme suit: VdP (Volonté de puissance), T. (tome), L. (livre), Ch. (chapitre), P. (point), (paragraphe), p. (page). Ainsi, pour cette première référence: VdP, T L Ch P 211, p VdP, T L Ch P p VdP, T L Ch P 117, p VdP, T L Ch P 115, p Gn Gn VdP, T L Ch P p Gn Gn VdP, T L Ch P 291, p VdP, T L Ch P 115, p VdP, T L Ch P 295, p VdP, T L Ch P 138, p VdP, T L Ch P 120, p VdP, T L Ch P 286, p VdP, T L Ch P 97, p VdP, T L Ch P 99, p VdP, T L Ch P 141, p VdP, T L Ch P 201, p VdP, T L Ch P 211, p VdP, T L Ch P 193, p VdP, T L Ch P 114, p VdP, T L Ch P 194, p VdP, T L Ch P 112, p VdP, T L Ch P 120, p VdP, T L Ch P 115, p VdP, T L Ch P 115, p VdP, T L Ch P 289, p VdP, T L Ch P 91, p VdP, T L Ch P 96, p VdP, T L Ch P 153, p VdP, T L Ch P 154, p. [...]
[...] C'est le monde du devenir. Dans un tel monde, la connaissance est impossible, du fait du caractère fondamentalement instable et totalement indivis de l'univers. Ainsi les ne sont que des inventions destinées à conceptualiser ce monde. Il n'y a pas de et encore moins de “chose en soi”. La logique est donc une tentative de décliner ce monde sur un mode qui le rende accessible à l'entendement humain. Il faut la comprendre comme une entreprise de conceptualisation de ce qui, autrement, resterait impensable. [...]
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