Au tournant du XXème siècle, Nietzsche dénonce dans son livre Aurore la glorification du travail prônée par les sociétés de l'époque. Loin d'accuser le travail en tant que tel, il remet en question la suprématie qui lui est portée, tendant à en faire une valeur supérieure. Nietzsche définit lui-même le travail comme "le dur labeur du matin au soir", c'est-à-dire un effort sans relâche qui "bride" l'individu, qui l'aliène, le privant de toute autre activité, qu'il faudrait pour certains glorifier, honorer et louer (...)
[...] Nietzsche est en avance sur son temps, par rapport au régime nazi notamment : ce dernier inscrivait à l'entrée des camps de concentrations : "Arbeit macht frei". Loin de libérer ses occupants, le "travail" pratiqué dans ces camps n'avait que pour but de tuer à la tâche les prisonniers et ainsi éviter toute rébellion en assurant une sécurité permanente au parti nazi. Cependant, la critique de Nietzsche peut aussi être discutable, étant donné que le travail ne peut être systématiquement jugé d'aliénant en fonction de sa nature ou de l'époque dans laquelle il est exercé. [...]
[...] Sujet : Expliquer le texte suivant. Dans la glorification du travail dans les infatigables discours sur la bénédiction du travail je vois la même arrière pensée que dans les louanges adressées aux actes impersonnels et utiles à tous : à savoir la peur de tout ce qui est individuel. Au fond, ce qu'on sent aujourd'hui, à la vue du travail on vise toujours sous ce nom le dur labeur du matin au soir qu'un tel travail constitue la meilleure des polices, qu'il tient chacun en bride et s'entend à entraver puissamment le développement de la raison, des désirs, du goût de l'indépendance. [...]
[...] Cette dernière se constitue finalement par l'absence de travail. En effet, que ce soit de nos jours ou en Grèce Antique, le temps libre doit être utilisé et rentabilisé, pour que ne subsiste aucun temps mort, ce qui conduit à une occupation perpétuelle de l'esprit et finalement à un enfermement mental presque comparable à celui provoqué par le travail. Enfin, le travail peut aussi singulariser et épanouir chaque individu. Pour Durkheim, dans son ouvrage De la Division du Travail, le travail ne fait pas rentrer chaque individu dans une masse, mais permet au contraire d'affirmer la personnalité de chacun : une interdépendance forte entre tous les travailleurs se crée et renforce les initiatives individuelles. [...]
[...] Il est alors paradoxal de se demander, passant outre le point de vue masochiste, comment le travail exténuant pourrait être ainsi glorifié. Il est possible de se demander si cette suprématie dénoncée par Nietzsche a effectivement pour but d'étouffer chaque individu et des les brider comme le ferait la meilleure des polices. Que recouvre réellement cette glorification du travail, par quelles idéologies fonctionne-t-elle ? Qu'induit-elle comme comportement vis-à-vis des Hommes qui lui sont soumis ? Est-il cependant possible de trouver dans le travail un acte émancipateur ? [...]
[...] Car l'enfermement dans un mode de pensée et d'action unique auquel il est impossible d'échapper peut mener, sinon à la folie, à l'automatisation : il devient peu à peu incapable de se rebeller contre le système qui le contrôle, s'y enferme de façon naturelle et ne pourra y jouir que "des satisfactions faciles et régulières" : la bonne conscience due au travail bien fait. Finalement la sécurité de chaque Homme réside dans l'aliénation de la communauté entière. "Une société où l'on travaille dur en permanence" et où donc chaque travailleur est peu à peu métamorphosé en animal docile, ne présentera plus aucun danger vis-à-vis du reste de la société ou de ses employeurs. [...]
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