Neutralité morale de la technique, outil technique, stratégie de déresponsabilisation morale, techniciens, déontologie, classement aristotélicien, praxis, moralité, bombes atomiques, crimes contre l'humanité, autonomisation de la technique
Il y a une articulation entre la technicité et la déontologie, entre l'innovation technique et ses implications morales. La valeur morale d'une innovation technique est extrinsèque : la valeur qu'on lui prête émane d'une instance qui lui est extérieure. On lui ajoute un supplément de valeur morale qu'elle ne semble pas a priori contenir par nature. Classement aristotélicien : dans la catégorie de la praxis, et dans la sous-catégorie de la pratique, la morale est séparée de la technique et de la politique. La technique est l'ensemble des règles qu'il faut suivre pour produire un système donné. Elle agit sur des objets, de la matière inerte, afin de fabriquer un outil utile à l'homme.
[...] Seth Brundle est l'incarnation de la contamination morale de l'homme par la technique. À cause d'un dysfonctionnement de la machine à téléporter dont il est l'inventeur, Seth Brundle mêle son ADN avec celui d'une mouche et se transforme progressivement en homme-mouche. Dans le même temps, il perd tout sens moral et agit avec les autres comme un animal. Le technicien ne dispose pas du recul nécessaire pour établir un jugement moral sur la technique. Le regard extérieur d'un juge moral est nécessaire. [...]
[...] Mais la technique, en elle-même, peut- elle être chargée d'une valeur morale ? Certains systèmes de valeurs permettent de juger la technique comme étant morale ou immorale. Par exemple, l'opposition entre nature et technique peut être fondée, mais le supplément de valeur qu'on attribue à ces notions est le produit d'une élaboration de l'esprit, d'une croyance, plutôt que d'un jugement rationnel. En effet, la nature bénéficie d'un supplément de valeur positive, tandis que la technique est affublée d'un supplément de valeur négative (d'ailleurs, les termes de « techniciens » ou de « technocrates » peuvent recouvrir une connotation péjorative). [...]
[...] Problématique : L'idée de la neutralité morale de la technique ne correspond-elle pas à un outil technique à l'usage d'une stratégie de déresponsabilisation morale des techniciens ? I. Une technique neutre La technique, considérée en elle-même, apparaît comme moralement neutre, dans la mesure où il n'est pas dans le champ de compétence des techniciens d'élaborer un jugement moral sur leurs innovations techniques. Il y a une distinction conceptuelle entre la fin et le moyen. La technique est une science qui se préoccupe de l'efficacité d'un moyen au service d'une fin qui lui est extérieure. [...]
[...] L'idée d'une neutralité morale de la technique s'inscrit dans une stratégie de déresponsabilisation des techniciens vis-à-vis de l'usage qui est fait de leurs inventions. – Exemple de l'invention de la mitrailleuse par Richard Gatling, qui pensait que le potentiel (puissance) meurtrier de son invention était tel que celle-ci ne serait jamais utilisée (mise en acte). C'est donc l'usage d'une technique, et non sa nature même qui devrait être soumise à l'évaluation morale. – Exemple des crimes contre l'humanité perpétrés par le IIIe Reich. [...]
[...] Or, Hans Jonas explique que la morale à l'ère industrielle ne peut pas avoir les mêmes fondements que la morale antique. La technique nous amène à réélaborer de nouvelles exigences morales, incluant l'historicité des dispositifs techniques et des sujets qui n'existent pas encore. Avant de définir la valeur morale de la technique, il faut s'assurer de la pertinence des systèmes de valeurs à l'aune desquels nous évaluons telle ou telle application de la technique. Il y a une distinction entre la technique et les techniques. [...]
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