Il serait audacieux voire impossible de vouloir prétendre traiter en sa globalité l'idée de négation chez Hegel et Sartre; c'est pourquoi j'aimerais éclairer un point particulier de ce sujet, qui concerne la critique qu'effectue Sartre à propos de Hegel au début de l'Être et le Néant. En confrontant quelques pages du début de cet essai à la Logique de Hegel, nous pouvons déjà repérer certaines divergences fondamentales quant à la conception de la négation chez ces deux auteurs.
Alors que chez Hegel, la négation demeure une médiation fondamentale pour poser les conditions d'une affirmation et d'une adéquation logiques de l'Esprit par rapport à lui-même, Sartre envisage la négation comme ce qui donne les moyens c'est-à-dire ce qui autorise la conscience à affirmer ontologiquement un donné originel qui se livre dans toute sa complexité.
[...] La négation aurait-elle un sens plus concret chez Sartre ? La négation peut désigner l'émanation d'une conscience qui se retourne vers l'origine de ses actes. Elle se constitue dans une visée introspective de la conscience qui ne cherche pas des états de conscience, mais plutôt la fondation de ses actes. Pour cela, il faut d'abord essayer de comprendre l'origine de cette négation et Sartre le fait en s'appuyant sur le texte Qu'est-ce que la métaphysique ? de Heidegger. Il conteste la théorie de la négation comme acte judicatoire, qui serait contenu dans un jugement exprimant ce qui ne correspond pas à l'être. [...]
[...] La négation n'est ni dans l'Être ni dans le Néant, elle est extérieure, elle n'advient que dans le devenir de l'Être et du Néant. Sartre montre que la conscience est toujours secondaire par rapport à un donné originel affirmé qui la précède. La négation intervient dans le retournement de la conscience vers ce donné, elle ne peut exister que sous forme de conscience de négation. "Le non comme brusque découverte intuitive, apparaît comme conscience d'être, conscience du non"[2] comme l'écrit Sartre. [...]
[...] A et B sont deux points qui ne sont pas identiques, l'entendement posant en premier lieu une différenciation exclusive. A n'est pas B car il ne se situe pas à la même position : nous avons donc la formulation d'une première négation abstraite. Or, pour définir ce qu'est véritablement un segment AB, il ne suffit pas de se donner deux bornes abstraites. La quantité de points qui séparent A de B vient nier A et B dans leur être propre. [...]
[...] La négation ne saurait atteindre le noyau d'être de l'être qui est plénitude absolue et entière de positivité"[5]. Hegel a triché parce qu'il a introduit la négation dans sa définition de l'être et c'est ce qui lui permet de faire passer l'être dans le néant. Chez ce dernier, la négation construit une première affirmation, elle succède à l'être en tant qu'être immédiat pour l'affirmer en tant qu'être médiatisé. L'être se dépasse en dépassant ses propres déterminations. Il est d'abord posé puis nié avant d'être posé véritablement. [...]
[...] La négation est en fin de compte inscrite au cœur du "il y originel, Sartre donne à ce "il y une dimension encore plus ontologique. Il y a un "rien" qui se donne de manière complexe et ce rien lui-même est transcendant et surgit sur fond d'être. Sartre prend lui-même l'exemple du ver contenu dans l'être pour nous faire saisir la réalité du néant sur fond d'être. Il ne faut pas simplement s'imaginer seulement la présence d'un ver dans l'être comme un ver dans une pomme, mais saisir plutôt toutes les galeries que creuse ce ver pour comprendre la dispersion de ce néant dans l'être. [...]
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