Le thème de la Nature est souvent abordé comme une réponse possible à la question morale du bien ou du mal : les lois et les institutions seraient bien pensées quand elles seraient en conformité avec la Nature. Mill s'oppose à cette conception. Admettre cette position, ce serait se retrouver face à un paradoxe : si on considérait vraiment la Nature comme modèle, alors pourquoi les hommes sont-ils fiers de s'éloigner de la nature grâce à la technique ? D'un côté on fait l'éloge des progrès techniques, mais de l'autre, il y a une positivité dans tout ce qui a trait à la nature (si l'on envisage rapidement les problèmes écologiques actuels, concernant la génétique, la pollution par exemple, on constate bien qu'il y a une tendance à être pro-nature, la nature correspondrait à une sorte de « sacré »)
On peut envisager le rapprochement entre nature et éthique, morale, comme issu d'une confusion entre « ce qui est » et « ce qui doit être ». C'est ce que Mill critique, à la suite de Hume qui donnait l'exemple suivant (dans le Traité sur la nature humaine) : « Si on ne mange pas, on meurt » cette proposition relève de la nature ; « Nous devons secourir les affamés » qui relève de la morale) On peut tracer le même genre d'analogie pour le problème du féminisme : le fait nature que la femme peut enfanter ne doit pas signifier qu'elle ne peut se réaliser que dans la maternité.
[...] Mill explique que d'elle-même la Nature ne donne pas plus cette vertu que toute autre, mais elle dispense souvent les récompenses et punitions qui stimulent son développement, et qui dans d'autres cas doivent être instituées artificiellement à cet effet (page 86) Troisième exemple abordé par Mill, la véracité (à savoir la disposition constante à dire la vérité) : naturellement nos paroles correspondraient aux faits, et c'est la société qui verrait apparaître l'hypocrisie (on pense ici notamment aux thèse rousseauistes) Au contraire, pour Mill, la véracité n'est pas du tout conçue comme une vertu par les sauvages : l'idée de mettre un point d'honneur à respecter la vérité par amour de la vérité ne les effleure même pas (page 87) Les vertus sont naturellement présentes en l'homme, mais il faut les développer ; la justice est-elle une vertu, au sens où on comprendrait alors pourquoi certains hommes sont plus soucieux de la justice que d'autres ? La justice est à comprendre comme disposition constante à donner à chacun ce qui lui revient ou ce qu'il mérite. Y aurait-il une idée de justice naturelle, présente dans la nature, qui contribuerait au développement de notre vertu de justice ? [...]
[...] Pour la morale conçue par Mill, il est inexcusable d'amoindrir un méfait parce qu'il serait qualifié de naturel Les deux définitions principales que l'on peut donner à la notion de nature ne légitiment pas que l'on fonde la morale sur cette même notion : Le mot nature a deux sens principaux : il désigne soit le système entier des choses, avec l'ensemble de leurs propriétés, soit les choses telles qu'elles seraient en l'absence d'intervention humaine (page 97) Le premier sens est absurde car l'homme est obligé de suivre les lois physiques naturelles ; le deuxième sens est non seulement irrationnel puisqu'il supposerait une inactivité totale de l'homme, mais aussi immoral car la violence naturelle prise comme modèle ne ferait que des hommes tous mauvais. Finalement, quelle pourrait être la solution selon Mill ? [...]
[...] Si la nature influençait réellement la morale, alors il serait absurde de se poser la question d'obéir ou non à ce droit naturel parce que nous n'aurions pas le choix, les lois de la nature sont nécessaires (à cause de la gravitation, la pomme tombe forcément par terre, on ne lui demande pas son avis) Mill résume ainsi cette absurdité de parler de droit naturel à appliquer à la morale : recommander d'agir selon la nature est superflu, puisque nul ne peut s'en empêcher, qu'il agisse bien ou mal Autrement dit, les lois de la nature qui contraignent physiquement l'homme, ne le contraignent pas moralement. [...]
[...] Mill aborde déjà la question du naturel dans L'assujettissement des femmes : ce qui est perçu comme naturel, souvent, c'est ce qui est habituel, admis, dans une société donnée, on peut le citer : Tant il est vrai qu'en général on qualifie de contraire à la nature ce qui est simplement inhabituel, et que tout ce qui est habituel paraît naturel Mill rattache lui aussi les deux notions de morale et de nature, mais en posant la question : avec qui l'utilitariste doit-il être moral ? [...]
[...] A partir de ces deux définitions, dont finalement la deuxième ne peut pas être suivie, Mill s'interroge sur le principe éthique suivre la nature : en effet, lequel de ces deux sens donné communément à la nature utilise-t-on quand on évoque la nature en morale ? Beaucoup d'écoles philosophiques parmi les plus réputées ont choisi comme principe moral fondamentale la maxime de suivre d'obéir, d'imiter la naturel ; on parle même de droit naturel alors que cette expression peut sembler paradoxale : la nature, c'est ce qui est en dehors de toute intervention humaine, alors que la notion de droit suppose une société, donc des hommes. [...]
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