moralité, nature humaine, humanité, raison, Pierre Leroux, XIXe siècle, Kant
''L'homme est un animal transformé par la raison et uni à l'humanité'', Pierre Leroux, De l'humanité, de son principe et de son avenir. Par cette phrase, le politicien et philosophe français du XIXème siècle définit l'homme sur deux plans: à la fois comme ''animal'' - c'est-à-dire un être vivant possédant des instincts - dont la particularité est non seulement d'être doué d'une faculté intellectuelle spécifique – la raison – mais également comme être lié à l'''humanité'', c'est-à-dire au sens large, au genre humain, mais également, dans un sens plus étroit, à la compréhension, la bienveillance, la compassion, autrement dit à des valeurs propre à la morale chrétienne. La ''nature'' ''humaine'' serait donc au sens large l'essence de l'homme – les caractéristiques qui en font un être vivant, et celles qui le distinguent des autres –, et en un sens plus restreint, le fait de connaître des principes moraux et de les appliquer.
[...] La morale pure universelle de Kant perd ainsi son sens, au profit d'un relativisme culturel. Si la société définit la moralité en tant qu'enseignement du bien et du mal dans les conduites humaines, alors ce serait plutôt la nature humaine qui a son fondement dans la moralité. C'est en créant la morale, et la moralité qui en découle, que l'homme est devenu humain La moralité détermine en effet la façon d'agir de l'homme, elle détermine ce qu'elle attend de lui et ce qui peut être exigible de lui (donc elle détermine sa nature : si l'homme est perfectible, alors nous rejoignons l'idée de Kant selon laquelle il faut s'interroger sur ce qui est absolument bon, non sur ce qu'est l'homme, sinon on cesserait toute exigence de perfection de l'homme). [...]
[...] Si nous prenons la moralité au sens d'enseignement, alors il serait plus exact de dire qu'elle a son fondement dans la société humaine plutôt que dans la nature humaine, car c'est la société qui la crée. L'homme sans société (cas de certains hommes vivant en dehors de notre civilisation) tout comme le nourrisson - est amoral, il est donc seulement nature. Par exemple, la moralité dominante de notre société (qui est moralité chrétienne ou platonicienne) place l'amour comme une valeur bonne et dilue ainsi l'instinct sexuel de l'homme qui appartient à son essence ; et si notre société venait à la perdre, le retour à une sexualité débridée, au viol, etc., risquerait de surgir. [...]
[...] Le cerveau humain triunique actuel (qui contient le néocortex) qui lui permet de poser les fondements de la moralité ayant la raison comme principe premier - est ainsi le fruit d'une évolution du cerveau reptilien (que l'homme a en commun avec les oiseaux, reptiles, poissons, amphibiens, et qui assure entre autres la satisfaction des besoins primaires, et est responsable de l'instinct de conservation), et du cerveau limbique (partagé avec d'autres espèces, et qui permet la mémoire et la régulation des émotions). La morale, et la moralité prennent alors d'autres formes, en fonction du devenir des capacités propres à l'homme, elle évolue en fonction des sociétés et époques. Troisième argument en faveur de l'impossibilité d'une nature humaine : chaque homme est différent, culturellement, psychologiquement, biologiquement. [...]
[...] Si l'enseignement des valeurs bonnes et mauvaises ne sert pas la vie humaine, nous ne pouvons pas dire que l'édifice de la moralité se justifie dans la nature humaine. Pourquoi des valeurs dites bonnes alors qu'elles nuisent à l'homme pourraient-elles être le bien ? Il ne faudrait ainsi pas partir de la moralité pure pour l'appliquer à l'anthropologie comme le fait Kant. Selon ce dernier, la moralité désigne le fait d'avoir une volonté bonne c'est-à-dire avoir pour principe d'action la seule obéissance au commandement énoncé par la raison. [...]
[...] La moralité est alors conçue comme comportement conforme aux lois morales que les hommes de la société créent et ordonnent. Elle aurait ainsi son fondement dans la société (humaine) (elle n'est pas simple éthique personnelle, mais doit se conformer à l'éthique collective) non dans la nature humaine. Nous avons donc vu que si la nature humaine est d'être douée de logos, ce qui lui permet d'être libre, contrairement à l'animal, alors la moralité pure rationnelle y a nécessairement ses principes et peut y fonder son édifice. [...]
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