L'homme est le seul être capable de s'exprimer à la première personne, de tenter d'apporter une définition de lui-même. Spontanément, je suis le seul à pouvoir chercher en moi les réponses à la question « qui suis-je ? ». Pourtant, l'expérience de l'intériorité me révèle bien obscur à moi-même : j'ai beau être le seul à sonder ma mémoire, à connaître mes goûts, je rencontre sans cesse des obstacles qui m'empêchent de me connaître pleinement. Et quand bien même je trouverais des réponses, pourrais-je les considérer comme de véritables données objectives ? Quand je m'observe, je deviens à la fois sujet et objet. Si je veux pouvoir prétendre me qualifier en toute objectivité, je suis obligé de faire appel à un sujet extérieur à moi-même, autrui. Mais à son tour, l'autre est-il mieux placé que moi pour me connaître ? Ne possédant pas mes souvenirs, ne connaissant pas mes pensées, n'ayant pas été présent à chaque instant de ma vie, est-il en droit d'avancer une quelconque affirmation sur ma personne ? Se demander si je suis le mieux placé pour savoir qui je suis, c'est aussi se demander ce qui me caractérise : sont-ce seulement les données qui concernent mon être intérieur, ou dois-je aussi prendre en compte l'environnement dans lequel je vis ainsi que mes actes et leur répercussions sur celui-ci ? (...)
[...] Mais les personnes susceptibles de nous aider à comprendre qui nous sommes se limitent-elles à nos proches ? Au-delà de données concernant directement sa conscience, un individu se caractérise aussi par la société dans laquelle il évolue : il est une réalité intellectuelle, corporelle, mais aussi une réalité sociale et historique. Je possède un rôle dans la société, j'interagis positivement ou négativement avec mes concitoyens et en retour la société influence mes actes et mes comportements : selon mon milieu, j'ai des déterminations : rares sont les enfants d'ouvriers qui deviennent de hauts cadres et inversement ; lorsque je vais à l'école, on m'enseigne des connaissances, dont l'objectivité peut être discutable ; la religion dominante d'un état influence considérablement les mœurs de ses habitants, qu'ils soient croyant ou non, descendants ou non de croyants. [...]
[...] Ainsi, lorsqu'un ami voit que nous nous surinvestissons dans un rôle, il sait mettre en relief les absurdités de notre comportement pour nous ramener à la lucidité. De plus, un véritable ami, parce qu'il est extérieur à notre conscience, que la vision qu'il a de nous n'est pas altérée par une affectivité et parce qu'il a accumulé de nombreuses informations à notre sujet, possède parfois bien plus de recul sur nous que nous en avons nous-mêmes. Il peut donc aussi nous ramener à la raison lorsque nous empruntons une mauvaise voie, nous plaçant face à celui que nous étions avant, ou nous aider à prendre des choix lorsque ceux-ci nous angoissent en nous démontrant que c'est ce que nous ferions si nous n'étions pas traversés par l'appréhension. [...]
[...] Notre patronyme est le témoin d'une réalité sociale et historique que nous ne connaissons pas forcément, ou seulement en partie tant celle-ci est vaste sur le plan généalogique et chronologique, et notre prénom est le reflet d'une volonté de nos parents parfois difficile à cerner, même pour nos géniteurs eux-mêmes : ces derniers peuvent le choisir parce qu'il leur rappelle une personnalité connue, un ami perdu, une rencontre inoubliable ou simplement parce qu'il sonne bien ou bien encore parce qu'ils pensent qu'un prénom peut déterminer une personnalité : autant de raisons qui peuvent nous influencer dans nos actes et nos pensées tout au long de notre vie et nous rendre tels que nous sommes. Il apparaît ainsi clairement que même les données les plus simples caractérisant un individu sont de l'ordre du subjectif, et que nous ne pouvons en posséder une connaissance exhaustive et objective. Nous ne pouvons donc jamais savoir objectivement et à tout instant qui nous sommes, car tout ce que nous pensons savoir est déjà révolu à l'instant où nous le pensons et de toute manière nous ne pouvons être sûrs que cela représente une réalité absolue. [...]
[...] Notre conscience se trouve ainsi en conflit permanent entre ce que nous sommes pour nous et ce que nous sommes à travers le regard des autres. Pour Sartre, ce rapport à la conscience pour autrui n'est que pure inquiétude : on a toujours peur d'être pétrifié dans le regard d'autrui, c'est-à-dire que l'autre se crée une image irréversible de nous-mêmes, et nous ne voulons jamais coïncider avec cette image. Mais un individu qui nous juge sur des constatations extérieures de notre personne peut-il être réellement objectif ? [...]
[...] Mais à son tour, l'autre est-il mieux placé que moi pour me connaître ? Ne possédant pas mes souvenirs, ne connaissant pas mes pensées, n'ayant pas été présent à chaque instant de ma vie, est-il en droit d'avancer une quelconque affirmation sur ma personne ? Se demander si je suis le mieux placé pour savoir qui je suis, c'est aussi se demander ce qui me caractérise : sont-ce seulement les données qui concernent mon être intérieur, ou dois-je aussi prendre en compte l'environnement dans lequel je vis ainsi que mes actes et leurs répercussions sur celui-ci ? [...]
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