S'interroger sur les représentations du "moi" équivaut à se poser des questions à propos de la manière dont est perçu de manière générale le « moi », en somme la façon dont on se représente mon for intérieur, ce que je suis vraiment. On peut poser que ce "moi" est distinct, c'est-à-dire différent de sa représentation, quand celle-ci diffère de ce qu'il est vraiment : elle n'est pas exacte, mais faussée. Quelles sont les manifestations de mon "moi" ? Qui est à l'origine d'une représentation du "moi" ? On peut penser aux différents acteurs responsables d'une de ces représentations. Autrui, d'abord, qui me voit comme un être différent de lui et se fait une idée de qui je suis. Le fait qu'autrui ne soit pas moi et puisse me voir comme une personne différente de lui implique nécessairement que sa représentation de moi soit exacte ? Mais aussi moi-même, ma propre connaissance que j'ai de qui je suis. Suis-je le mieux placé pour me faire une représentation exacte de moi-même ? La conscience que j'ai de ma personne est-elle suffisante à la connaissance précise de cette personne ? En somme, s'il se trouve qu'aucun de ces acteurs ne puissent opérer à une représentation exacte de mon "moi", existe-t-il réellement ? Disposons-nous tous, chacun, d'une vérité propre et personnelle, un "qui je suis" absolu ? (...)
[...] Dispose-t-il de tous les éléments indispensables ? Il est fort aisé d'imaginer que tel n'est pas le cas. Voyons d'abord que la plupart du temps, l'image que nous renvoyons de nous-mêmes à autrui est volontairement remodelée par nos soins. La majeure partie du temps, on tente de se faire bien voir : on donne la meilleure image de nous-mêmes à autrui, en faisant croire des choses sur notre caractère, notre personnalité, nos qualités, pour simplement se faire aimer de lui, ou parfois pour atteindre un but, un résultat, dont autrui est le moyen. [...]
[...] Effectuons une comparaison avec le plateau que ce serveur tien à la main : celui-ci est ce que Sartre appelle un être-en-soi contrairement au garçon de café qui est un être pour soi La nature du plateau est définie par son existence, il est un plateau : sa fonction et sa forme sont déterminées et n'appellent pas à un devenir, à une inconstance. L'être humain lui, n'a pas de nature prédéterminée, il est une conscience sans forme ni fonction, pure liberté. N'ayant pas d'essence, il est condamné à n'être jamais ce qu'il est. Cependant, personne ne peut se résigner à n'être rien. [...]
[...] Arrêtons là cette première réflexion pour poser la remarque suivante : si, comme nous le démontre Sartre, toute tentative de représentation de soi-même à soi-même n'aboutit en fait que sur un masque que nous utilisons, nous ne pouvons juger celle-ci comme correcte. C'est une nouvelle barrière à ma représentation du moi Toutefois, si nous tenons compte de l'existence des masques de la personne, on suppose que ce masque cache quelque chose, peut-être un réel moi peut-être la vérité de mon essence. Qu'en est-il dans la vision de Sartre ? Faire tomber le masque, est-ce découvrir le moi ? Continuons donc à étudier la pensée du philosophe existentialiste, et observons de plus près notre garçon de café. [...]
[...] Nous intéressant aux thèses de Sartre et aux paroles de Nietzsche, nous en sommes arrivés à la conclusion suivante : la vérité essentielle de la nature de l'être humain est un but inatteignable, au sens où celle-ci ne s'exprime que par le néant, pour Sartre, c'est-à- dire l'informe, l'inconstant de la conscience humaine dont la nature est définie. Les représentations que nous pouvons nous faire de cette entité sont donc nécessairement faussées. A l'issue de cette discussion, on peut poser le moi comme irrémédiablement distinct de ses représentations. [...]
[...] Etudiant ces deux cas, nous avons abouti à la conclusion que ni autrui ayant la faculté de m'objectiviser, ni moi-même ayant seul la conscience de mon être ne sommes capables de nous faire une représentation exacte du moi qui ne diffère en rien de celui-ci. Mais doit-je nécessairement, au-delà de la barrière de l'inconscient de la première topique de Freud, au-delà de sa seconde topique du Ca du Moi et du Surmoi chercher une véritable essence au fond de mon être pour me la représenter ? Cette essence existe-t-elle ? Est-elle seulement inaccessible de par l'inconscient ou simplement absente ? [...]
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