La technique fournit les moyens d'adaptation à l'homme dans cet environnement naturel qui lui est d'emblée hostile. Alors que les autres êtres vivent harmonieusement dans et par la nature, la survie des hommes suppose un conflit avec la nature, une rivalité. Or s'adapter n'est pas forcément assimilable à progresser. Comment comprendre ce lien entre adaptation et progression ?
L'adaptation est le fruit d'un travail de réflexion : disposer du feu, ça n'est pas encore être technicien. Pour être technicien, il faut encore posséder une faculté à même d'utiliser ce feu. L'homme est homme en tant qu'il est,non pas savant (homo sapiens), mais technicien (homo faber). Certes, il est valorisant de dire que l'homme est un être de savoir, qui sait penser, raisonner abstraitement, mais l'intelligence s'est d'abord développée dans la production, très pratique, d'outils, et non dans des théories.
[...] le peuple est bien encore la source de la souveraineté puisqu'on le consulte à chaque élection. Or l'homme, telle est la question que soulève notre auteur, possède-t-il effectivement ce pouvoir d'élire ? Ne se contente-t-il pas de donner son aval à une politique en laquelle il aura confiance du fait du professionnalisme de ceux qui l'élaborent, mais sans comprendre vraiment ce qu'ils ratifient, faute de connaissances ? C'est le constat que fait Habermas, dénonçant la technocratie des démocraties, autrement dit le pouvoir des techniciens dans La technique et la science comme idéologies. [...]
[...] Ainsi, la civilisation progresse et l'individu, techniquement, régresse. Dans les sociétés préindustrielles, le taux individuel de technicité est comparativement élevé alors que dans nos sociétés industrielles modernes, la technicité, très haute, est largement déléguée à quelques individus spécialisés. Notre quotidien est géré par des outils et machines qui nous dispensent des gestes techniques de base, nous avons gagné en confort ce que nous avons perdu en autonomie. Si la machine vient à tomber en panne, sa haute technicité nous rend dépendant du réparateur compétent et tout se passe comme si le plus économique et le plus efficace était de laisser la “technologie” aux techniciens. [...]
[...] Par ces techniques (médecine, architecture, maçonnerie etc.), l'homme modifie le monde en se civilisant. Cuire ses aliments, momifier les corps morts, cultiver la terre sont autant d'activités dont on estime qu'elles sont techniques et civilisatrices. L'homme se raffine, développe sa culture en développant des savoir-faire. La technique implique une réflexion rationnelle qui n'existe pas par exemple chez les abeilles dont les gâteaux de cire construits avec régularité sont des produits naturels. Comme l'écrit Marx, dans le Capital, “l'abeille confond par la structure de ses cellules de cire l'habileté de plus d'un architecte. [...]
[...] S'adaptant d'emblée à l'échelle voulue, la machine se fait géante pour opérer à l'aide d'organes hypertrophiés (la grue, la pelle mécanique . ) ou au contraire lilliputienne quand elle assemble et noue avec une infinie délicatesse et une rapidité saisissante les fils de soie les plus tenus. Affranchie des contraintes “anthropomorphiques” du labeur humain, la machine est aussi un travailleur collectif; elle est le substitut, non de l'individu, mais de l'équipe tout entière. C'est finalement assez enthousiasmant = moins de travail, moins d'aliénation, plus de confort et de rapidité. [...]
[...] Comment comprendre ce lien entre adaptation et progression ? L'adaptation est le fruit d'un travail de réflexion : disposer du feu, ça n'est pas encore être technicien. Pour être technicien, il faut encore posséder une faculté à même d'utiliser ce feu. Donc sa “nudité” première suscite chez l'homme un essor intellectuel nécessaire pour en sortir. L'homme tire de lui-même son propre perfectionnement en travaillant (ce que l'animal ne fait pas). L'invention des moyens de subsistance, telle est la technique originaire. [...]
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