Dans quelle mesure la morale est-elle fondée à contraindre les corps ? Dissertation de L3 de 5 pages en Philosophie. Notée 15/20
Erigée par une volonté qui souhaite s'y tenir, la morale est par nature, la confession d'un désir de contrôle et de conformation de soi à une règle. Rien d'étonnant alors qu'elle en vienne à contraindre les corps, les poussant dans telle direction, les éloignant de telle autre. Toutefois, c'est la question de la légitimité de cette contrainte qu'il faut se poser. En effet, si l'Etat a le monopole de la violence légitime qui met à sa disposition tous les moyens de contrainte, il n'en va pas de même de la morale qui semble se présenter comme d'emblée légitimée à contraindre les corps. De plus, envisagé dans leur globalité, dans leur ressemblance ce sont « les » corps, dans ce qu'ils ont de permanent, qui sont l'objet d'une contrainte issue d'une morale unique. Mais dans quelle mesure est-elle vraiment fondée elle, morale unique à contraindre les corps ?
[...] Le fondée pour est alors le corrélatif du fondée à et la morale tire sa légitimité de contrainte des corps de sa propre nature. Toutefois, toute morale n'est pas érigée contre les corps et pourtant, ces derniers se voient souvent contraints comme par prévention. Il semble en effet que la morale anticipe souvent le corps en lui interdisant tel ou tel acte , rendant en un sens, la contrainte indirecte. Dans ce genre de situation, la légitimité de cette contrainte ne découle pas de la nature de la morale mais du but que celle-ci s'est fixée, comme si la contrainte des corps était un dommage collatéral, un malheureux passage obligé pour l'accomplissement d'une plus grande entreprise. [...]
[...] Car la morale, si elle a la contrainte facile, ne souffre, elle, aucune contrainte. C'est ce que démontre l'anthropologue Margaret Mead dans Mœurs et Sexualité en Océanie. Distinguant les civilisations de la honte de celles de la culpabilité, elle pose comme exemple la détermination des Japonais humiliés à se tuer en accomplissant le hara-kiri. Ce dernier geste commandé par une prescription de leur morale prouve à quel point, la prévention a sa place dans la contrainte des corps par la morale. [...]
[...] La morale chrétienne, elle non plus ,n'est pas fondée légitimement à contraindre les corps pour les mêmes raisons : elle ne les connaît pas. En effet, la seule référence religieuse au corps est celle du corps de Jésus vierge et vivant puis celle du corps du Christ mort crucifié, soit un corps pur et exempt de désir ou un cadavre. Dès lors la morale chrétienne ne peut que rejeter le corps puisqu'elle ne l'appréhender pas dans sa matérialité. Le corps se fait allégorie et il en résulte qu'une telle morale ne peut accepter le corps que vierge ou mort. [...]
[...] Pour autant, est-ce à dire que la morale ne pourrait jamais être fondée légitimement à contraindre le corps ? Autrement dit, le corps est-il amoral ? Ayant toujours été l'objet de la morale, il est difficile d'admettre que le corps soit en réalité hors de son domaine. La morale pourrait toucher au corps mais il faudrait pour cela qu'elle l'aborde comme un véritable objet afin qu'il soit effectivement un objet de morale. Pour cela, il faudrait donc qu'elle l'appréhende vierge de tout préjugé dans sa richesse et sa diversité. [...]
[...] En effet, pourquoi cacher la femme derrière ces voiles ? Ce n'est sans doute pas la femme en elle-même qu'il faille cacher mais bien son corps envisagé comme tentation absolue. Les cheveux, la peau, la poitrine sont autant d'objets de désirs malsains qu'il apparaît nécessaire de faire taire. Le voile est le baillion symbolique du corps de la femme. Elle empêche l'expression corporelle et surtout permet l'absence de discours sur ce corps ; car si dans cette perspective, la morale cherche à faire taire les désirs, il s'agit moins de ceux de la femme que de ceux des hommes. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture