« La banalisation du mal » est une expression employée par Hannah Arendt dans son livre Eichmann à Jérusalem relatant le procès de ce responsable nazi en Israël dans les années 1960. Le paradoxe principal que cette expression souligne est le contraste entre l'acharnement mis par Eichmann à contribuer à la destruction des Juifs et l'absence de motivation profonde, d'ordre en particulier sadique ou antisémite, à cette action.
Tenter d'expliquer le comportement d'hommes en apparence ordinaires par l'absence de motivations profondes n'est pas aisé, car beaucoup de témoignages de participants au génocide après la guerre ont mis en avant l'idée d'un très fort antisémitisme présent chez les bourreaux : l'historien Goldhagen a ainsi parlé d' « antisémitisme éliminationiste ». Mais s'il est vrai que la propagande et le contexte de la guerre et la nécessité de défendre la patrie ont joué un rôle dans la justification des actes, beaucoup d'exécutants du génocide n'étaient pas remplis de haine pour les Juifs. Dans l'ouvrage qui nous servira de guide, Christopher Browning montre que les hommes du 101e bataillon de la Police allemande, responsables de la mort de plusieurs milliers de Juifs, ne font pas preuve d'une brutalité féroce, ni d'un fanatisme antisémite virulent mais plutôt une application consciencieuse des ordres.
La « banalisation du mal » permet en fait aux individus de ne plus juger leurs actes comme « immoraux », à considérer comme « banals » des actes qui ne le sont pas. Ainsi, nous pouvons avancer l'idée selon laquelle cette banalisation serait un moyen psychologique défensif qui aurait permis aux responsables d'atrocités de dépasser les effets de deux millénaires de moralité et d'éthique occidentales.
Mais comment un manque de motivations personnelles à faire le mal peut-il conduire à la perpétuation d'un génocide ? Quels sont les facteurs d'une telle banalisation ? La banalisation est-elle issue de l'idéologie nazie ou plutôt de normes sociales et culturelles propres à une période déterminée de l'histoire allemande ?
Nous essayerons en premier lieu de déterminer les facteurs de la banalisation, puis nous verrons par quels moyens les hommes parviennent à surmonter les obstacles psychologiques liés à la perpétuation des atrocités. Enfin, nous nous intéresserons aux effets de cette banalisation, c'est-à-dire le consentement au génocide.
[...] Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, Fayard, Paris Hinton A.L, Why did you kill? : The Cambodian genocide and the dark side of face and horror”, The journal of Asian studies Cité in Jacques Sémelin, Analyser le massacre, Réflexions comparatives, questions de recherche CERI, Sciences Po Herbert Kelman, Reflections on social and psychological processes of legitimisation and delegitimisation», in John T. Jost and Brenda Major Psychology of Legitimacy, Cambridge University Press Stanley Milgram, Soumission à l'autorité, Calmann-Lévy, Paris George L.Mosse, De la Grande Guerre au totalitarisme, la brutalisation des sociétés européennes, Hachette, Paris, Coll Pluriel Ervin Staub, The Roots of Evil, Cambridge University Press, Cambridge, 1989. [...]
[...] Tenter d'expliquer le comportement d'hommes en apparence ordinaires par l'absence de motivations profondes n'est pas aisé, car beaucoup de témoignages de participants au génocide après la guerre ont mis en avant l'idée d'un très fort antisémitisme présent chez les bourreaux : l'historien Goldhagen a ainsi parlé d' antisémitisme éliminationiste Mais s'il est vrai que la propagande et le contexte de la guerre et la nécessité de défendre la patrie ont joué un rôle dans la justification des actes, beaucoup d'exécutants du génocide n'étaient pas remplis de haine pour les Juifs. Dans l'ouvrage qui nous servira de guide, Christopher Browning montre que les hommes du 101e bataillon de la Police allemande, responsables de la mort de plusieurs milliers de Juifs, ne font pas preuve d'une brutalité féroce, ni d'un fanatisme antisémite virulent mais plutôt une application consciencieuse des ordres. La banalisation du mal permet en fait aux individus de ne plus juger leurs actes comme immoraux à considérer comme banals des actes qui ne le sont pas. [...]
[...] Jost and Brenda Major Psychology of Legitimacy, Cambridge University Press III° le consentement au génocide : de la banalité à la banalisation du Mal Selon des estimations optimistes, seulement des hommes du 101e bataillon n'ont pas participé ou ont peu participé aux crimes perpétrés. Ainsi, tous les facteurs que nous avons étudié (brutalisation, soumission à l'autorité, conformisme, endoctrinement et déshumanisation de l'ennemi) s'additionnent et permettent de contourner les obstacles psychologiques de la conscience humaine. Ces facteurs sont à la fois issus du contexte socio- culturel, historique mais aussi d'une posture psychologique défensive, la banalisation du mal dont le but est d'apaiser la souffrance en faveur de la continuation du processus de destruction. [...]
[...] Mais comment un manque de motivations personnelles à faire le mal peut-il conduire à la perpétuation d'un génocide ? Quels sont les facteurs d'une telle banalisation ? La banalisation est-elle issue de l'idéologie nazie ou plutôt de normes sociales et culturelles propres à une période déterminée de l'histoire allemande ? Nous essayerons en premier lieu de déterminer les facteurs de la banalisation, puis nous verrons par quels moyens les hommes parviennent à surmonter les obstacles psychologiques liés à la perpétuation des atrocités. Enfin, nous nous intéresserons aux effets de cette banalisation, c'est-à-dire le consentement au génocide. [...]
[...] Celle- ci a pour but de fournir constamment des arguments de justification, notamment après la bataille perdue de Stalingrad en février 1943. cité dans R. Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, Fayard, Paris Les dirigeant nazis ont très tôt pris en compte les obstacles psychiques des exécutants afin d'éviter tout sentiment de culpabilité qui aurait pu remettre en cause le processus de destruction. L'administration allemande devait empêcher coûte que coûte que ses hommes ne soient réduits à l'état de ou de “névrosés” p 114 in Browning. [...]
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