A la suite de Husserl, Merleau-Ponty entreprend une réflexion sur le langage, en utilisant la phénoménologie pour méthode, ce qui selon lui, permettra de révéler l'être du langage. Cependant, à l'inverse de son prédécesseur, il ne va pas tenter de parvenir à l'universalité abstraite d'une grammaire raisonnée, qui donne une essence commune à tous les langages. Bien au contraire, il va plutôt étudier ce dernier dans son rapport au vivant, en tant qu'il est utilisé par le sujet, en tant qu'il crée un monde pour moi tout en révélant la manière dont le monde m'apparaît. Merleau-Ponty s'intéresse donc à la dimension sensible du langage.
Cette dimension est selon lui nécessaire, car elle est la seule qui permette d'exprimer adéquatement le monde, ainsi que le r le apport que j'entretiens avec lui. Ainsi, la dimension sensible du langage n'est pas un résidu, mais le signe de son appartenance au monde réel. Il ne s'agit pas d'un obstacle mais au contraire d'une garantie que celui-ci est bien capable de dire les choses, étant fait de la même étoffe qu'elles.
Reste cependant à savoir dans quelle mesure le langage peut être sensible. En effet, il ne faut pas qu'il se confonde avec ce qu'il nomme, c'est-à-dire qu'il devienne objet, mais il ne faut pas non plus qu'en prenant le contre-pied de cette position il devienne trop intelligible.
[...] Gallimard, coll. Tel, Paris 2002, p 214. La Prose du Monde, Science et expérience de l'expression éd. Gallimard, coll. NRF, Paris, p 54. La Prose du Monde, Science et expérience de l'expression éd. Gallimard, coll. NRF, Paris, p 19. La Prose du Monde, Science et expérience de l'expression éd. Gallimard, coll. [...]
[...] La dimension sensible du langage lui permet d'avoir directement une influence sur ce qu'il nomme. La dénomination des objets ne vient pas après la reconnaissance, elle est la reconnaissance même. En effet, c'est bien une reconnaissance au sens où je prends enfin conscience de l'existence de l'objet, alors qu'il a toujours été dans le même monde que moi. Dans le silence originaire, c'est-à-dire dans le rapport pré-réflexif au monde, je ne saisis rien comme séparé de moi puisque je ne me saisis pas comme sujet, et ne saisis pas non plus le monde comme objet. [...]
[...] Les mots ont subi entre ses mains une torsion secrète. Ce que l'on pourrait appeler des déformations cohérentes font donc rendre à notre langage des sons étranges, et lui donnent une dimension d'autant plus sensible. En effet, la déformation des mots est l'indice qu'ils portent ma subjectivité ; la parole est caractérisée comme parlante puisqu'elle dit quelque chose qui ne l'a encore jamais été, à savoir mon rapport particulier au monde. Le langage envisagé sous l'angle de la parole est donc ce langage opérant ou constituant qui apparaît quand le langage constitué, soudain décentré et privé de son équilibre, s'ordonne à nouveau pour apprendre au lecteur, -et même à l'auteur,- ce qu'il ne savait ni penser, ni dire. [...]
[...] Gallimard, coll. Tel, Paris 2002, p 211. La Prose du Monde, Le fantôme d'un langage pur éd. Gallimard, coll. Nrf, Paris, p 8. La Prose du Monde, Le fantôme d'un langage pur éd. Gallimard, coll. Nrf, Paris, p 12. Phénoménologie de la perception, le corps comme expression et la parole éd. Gallimard, coll. [...]
[...] Ainsi, ce n'est pas parce que le langage a une dimension sensible qu'il doit devenir un objet. Il faut que, d'une manière ou de l'autre, le mot et la parole cessent d'être une manière de désigner l'objet [ pour devenir non pas son vêtement, mais son emblème ou son corps. En effet, c'est bien de corps dont il s'agit, puisque, par le mot, l'objet prend forme et sort du silence originaire, pour devenir une entité à part entière, distincte des autres étant. [...]
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