"C'est dans le rapport à autrui que l'on prend conscience de soi ; c'est bien ce qui rend le rapport à autrui insupportable". Ainsi, notre perception d'autrui, notre rapport à lui, aussi infime soit-il, ne serait pas seulement une énigme mais une difficulté en soi, dans le sens où elle ne mène sur les sentiers de notre propre connaissance. Selon Michel Houellebecq, dans cette citation extraite de Plateforme, ce qui nous est le plus complexe à digérer dans notre relation à autrui n'est pas ce qu'elle est en elle-même. Autrui pourrait, tout aussi bien, être un objet comme les autres, dans notre monde. Seulement voilà ; il nous perçoit et, en cela, nous renvoie à nous-mêmes, à notre existence, à notre image (...)
[...] Seulement voilà, si ce monde que je perçois n'est pas mien, mais notre, il reste à se demander comment les témoignages d'autrui pourront s'introduire jusqu'en moi c'est à dire parvenir dans mon monde et devenir une part de ma vérité qui, étant celle d'autrui qui partage un monde qui est notre, sera également ma vérité sans que je ne la perçoive directement, tel que je perçois un objet par ma propre expérience. L'horizon de mon monde parviendra-t-il à s'étendre à un monde pluri-subjectif ? [...]
[...] De percevoir un monde qui est le mien, le sien et le notre à la fois. Ainsi, quand l'homme ensommeillé revêt ses lunettes de soleil pour s'en protéger, moi-même, au même instant, je me sens, de la même façon, agressé par cet astre lumineux ; nous le percevons, de la même manière et c'est l'acte de cet homme qui me permet de m'en rendre compte. S'il était resté impassible, je n'aurais pu dire s'il percevait ou non le soleil car je ne suis pas lui, je suis différent, tout en étant à la fois semblable. [...]
[...] Comment connaître autrui qui, si semblable à moi, ne se connaît sans doute pas lui-même, non plus ? [...]
[...] Il ne suffit plus de penser en termes d'unicité mais d'unité, de dualité, peut-être, et d'entrevoir une coexistence. C'est ce qui peut se révéler délicat ; pour accepter l'autre, il faut se connaître soi-même ce qui constitue une difficulté non négligeable. Malgré tout, la connaissance de l'autre nous apparaît, naturellement, comme plus aisée que la connaissance de nous-mêmes. Il n'est est rien, car tout ce que nous pensons savoir n'est en fait qu'une réaction à l'expérience, des observations, sans doute minutieuse, mais incomplète. [...]
[...] Si cela explique que je puisse le percevoir, je ne puis, néanmoins, pas écarter ce qui le différencie tant des autres objets qui composent mon monde et qui me mène à toute cette réflexion ; à la différence des autres objets, autrui semble capable de percevoir le monde, de même que moi. C'est, tout au moins, ce que je peux en déduire, ce dont je ne puis douter un instant quand, par exemple, tel que je le ferais, tel que je pourrais le faire à sa place, il se protège des rayons agressifs du soleil tandis qu'il sort d'une sieste. Mais pourquoi le percevrait-il, comment même pourrais-je concevoir qu'il le fasse ? [...]
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