Faut-il indéfiniment raviver la mémoire du nazisme, au risque d'étouffer les jeunes générations sous le fardeau de la culpabilité de leurs aînés ? Tel est l'enjeu du débat qui se tient actuellement en Allemagne parmi les intellectuels : philosophes, historiens, écrivains. L'utilité, voire l'opportunité de l'usage de la mémoire au sein de la cité se trouve ainsi mis en question.
ILa mémoire, par son caractère ambivalent, a donné lieu à des usages divers, voire contrastés, au sein de la cité
II Toutefois, par-delà les « abus » (Ricoeur) de la mémoire, un bon usage de celle-ci demeure possible et souhaitable
[...] Ex : le conflit yougoslave, mais aussi de nombreux autres, tels les Hutus et les Tutsies : haine inextricables qui s'expliquent en partie par le caractère partiel et partial de la mémoire collective : on se remémore, parfois en les grossissant, les offenses subies, tandis que l'on tend à oublier, ou à minimiser, celles que l'on a fait subir aux autres. Il en résulte un cycle de la vengeance (vendetta) qui subsiste encore dans certaines populations (Sicile, Corse). Ce phénomène se nourrit de la mémoire, que d'ailleurs il entretient. C'est ainsi également que les groupes se soudent en se divisant, lorsqu'une ethnie opprimée par exemple, veut faire sécession d'un Etat : ex : les Kurdes d'Irak. La mémoire des offenses interdit toute forme de cohabitation. [...]
[...] Semprun l'écriture ou la mort. La mémoire constitue l'un des éléments fondateurs de l'identité des peuples : Israël et l'Ancien Testament, le Talmud (tradition orale) à travers la Diaspora. La mémoire est l'identité d'Israël mais la mémoire est aussi ce qui trompe les hommes, ou quelquefois les divise La mémoire est toujours investie, peu ou prou, par les passions. C'est pourquoi elle ne peut pas être l'unique source pour celui qui cherche la vérité : juge ou historien. Les récits des témoins sont souvent peu fiables, à cause des défaillances ou des déformations de la mémoire de ceux- ci, quand ce n'est pas par leur intérêt. [...]
[...] De même, la dimension pédagogique recherchée à travers la présentation médiatique des récents procès (Barbie, Papon) ne paraît pas à ce jour démontrée : les médias privilégient l'instant, l'émotion, l'immédiateté du jugement, tandis que la vérité historique requiert au contraire prise de distance et réflexion. Un bon usage de la mémoire demeure possible et souhaitable. la construction d'un sens L'historien : liberté de la recherche, indépendance par rapport au pouvoir, déontologie propre . Recherche rigoureuse de la vérité historique . : dépassement de la mémoire. L'écrivain constitue en quelque sorte un médiateur qui s'approprie la mémoire collective et la rend en retour assimilable, supportable pour les membres de la société. Le travail de l'écrivain permet à la collectivité d'assumer son passé. [...]
[...] L'histoire est une démarche méthodique de recherche de la vérité, elle tend à rendre le passé intelligible. La sacralisation du souvenir peut ainsi aboutir à une sorte de censure pour l'historien. La banalisation conduit, à l'inverse, à l'oubli progressif de la spécificité des massacres hitlériens. Le qualificatif de nazi »employé à tort et à travers, le nom de Hitler employé comme synonyme de dictateur ou d'oppresseur, l'usage parfois abusif du terme de génocide témoignent de cette banalisation. De même, l'identification abusive des crimes d'Israël à ceux de Hitler contribuent à entretenir la confusion dans les esprits, par ailleurs submergés de rappels de la seconde guerre mondiale :les actes héroïques des uns et des autres, la montée du nazisme, la persécution et le génocide des juifs font l'objet d'innombrables documentaires et oeuvres de fiction. [...]
[...] La sacralisation de la mémoire conduit à ériger un événement singulier au rang d'un absolu à nul autre comparable, voire à une forme d' »indicible Faisant un contresens sur la phrase d'Adorno : écrire un poème après Auschwitz est barbare», certains zélateurs de la mémoire en sont venus à soutenir, dans la pratique, qu'il ne serait plus possible de penser après Auschwitz. La mémoire, et singulièrement la mémoire des survivants tiendrait désormais lieu de réflexion dès lors qu'il s'agit de la Shoah. [...]
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