En avril 1945, les américains et les britanniques libèrent les camps de concentration situés sur le territoire du Reich, découvrant un système concentrationnaire qui dépasse tout ce que l'on avait vu jusqu'alors. Eisenhower donne l'ordre à toutes les unités américaines d'aller constater l'horreur sur place et demande à Londres et à Washington l'envoi sur les lieux de délégations d'officiels et de journalistes pour rendre compte aux yeux du monde de la barbarie nazie. Les années passant, les témoins au sens plein du terme (« personne pouvant attester d'un fait en vertu d'une connaissance directe ») se font moins nombreux et leur disparition progressive tend à rendre plus dangereux les problèmes soulevés par le négationnisme : car si chacune des objections négationniste perdait sa substance et devenait impossible à soutenir dès qu'elle se heurtait à des témoignages directs qui étaient autant de preuves historiques, la diminution du nombre de ces témoins directs laisse une brèche à de telles théories (...)
[...] Mais résumer ainsi la position de Nietzsche serait réducteur : lui le premier revendique l'inégalité des réactions des hommes face à l'histoire. Il y a un degré d'insomnie, de rumination, de sens historique qui nuit à l'être vivant et finit par l'anéantir, qu'il s'agisse d'un homme, d'un peuple ou d'une civilisation et il ajoute : Il y a des hommes qui possèdent cette force à un degré si minime qu'un seul événement, une seule douleur, parfois même une seule légère petite injustice les fait périr irrémédiablement, comme si tout leur sang s'écoulait par une petite blessure. [...]
[...] Le temps érode la sensation qui s'inscrit dans l'immédiateté, il ronge par une action lente la force que le présent avait conféré à une action ou à une émotion. Vladimir Jankélévitch, dans L'Imprescriptible. Pardonner ? Dans l'honneur et la dignité, s'élève, dans le cadre du devoir de mémoire notamment lié à la Shoah, contre le temps qui émousse toutes choses, le temps qui travaille à l'usure du chagrin comme il travaille à l'érosion des montagnes, le temps qui favorise le pardon et l'oubli, le temps qui console Car dans ce cas, le temps liquidateur et cicatriseur n'atténue en rien la colossale hécatombe : au contraire il ne cesse d'en aviver l'horreur. [...]
[...] Il faut en effet distinguer l'action conforme au devoir (relevant de la légalité et inspirée par la crainte, l'inclination) de celle qui est par devoir c'est-à-dire par moralité. Pour Kant, la seule action morale est celle que l'on effectue par devoir c'est-à-dire sans inclination, sans but particulier sinon celui de l'action même, fidèle à la raison. Il est en revanche immoral de ne pas faire ce qu'il faut et il n'est pas moral (mais pas immoral pour autant) de faire son devoir parce qu'il le faut, parce qu'une puissance extérieure ou intérieure l'exige de nous comme un moyen d'obtenir autre chose (satisfaction propre, avantages, etc.). [...]
[...] Car si l'on pourrait considérer que toute loi fonde sa légitimité en fonction de la morale, la loi n'est pour autant pas la morale. La loi s'impose dans un cadre délimité et définit des sanctions aux infractions aux règles qu'elle a définies : pour cette raison elle est précise et doit toujours chercher cette précision à un degré maximal. La morale, au contraire, ne définit aucune sanction contre l'immoralité si ce n'est le fait même d'être immoral et ne répond par ailleurs à aucune exigence de précision : à une même interrogation sur le bien ou le mal, les réponses pourront différer selon l'application de cette même morale. [...]
[...] et surtout, d'y fournir une réponse. Sinon il y aura sanction, punition. La force du devoir catégorique (ou impératif catégorique, Kant) n'était-elle pas d'être inconditionnelle autosuffisante ? Cette première limite du devoir de mémoire se concrétise finalement dans le simple fait de sa formulation : l'expression, parce qu'elle n'est pas évidente dans sa forme, résulte d'une création humaine dont l'intention était de modéliser une conscience morale particulière. Aussi, cette première faille décelable du devoir de mémoire ne partait pas d'une tentative d'abus : l'intention pouvait être de garantir la présence de ce précepte moral en le statufiant au vu de son importance qui est du reste réelle. [...]
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