Alors qu'elle était réservée à une élite au Moyen-Âge, la lecture s'est peu à peu répandue depuis la Renaissance, notamment du fait de progrès techniques tels que l'invention de la machine à imprimer, de la généralisation d'un enseignement fondamental et de l'idéal de la liberté d'expression, vers lequel essayent de tendre les sociétés modernes. A l'intérieur de celles-ci, la pratique de la lecture est aujourd'hui accessible à tous, même si l'illettrisme n'est pas totalement résorbé. Parmi les dizaines de milliers de publications annuelles, certaines sont taxées de mauvaises par les critiques, non seulement parce qu'elles sont parfois de qualité médiocre, mais aussi et surtout parce qu'elles peuvent avoir une influence néfaste, être mal interprétées, inciter à des comportements immoraux…
Il existerait donc de mauvaises lectures, qu'il s'agirait d'opposer à de bonnes lectures. Une hiérarchie s'instaurerait alors entre les œuvres : les bonnes lectures seraient, d'un point de vue très général, les lectures enrichissantes, tandis que les mauvaises seraient des lectures malsaines, ou tout du moins déstabilisantes. Cette hiérarchisation ne peut se faire d'une façon objective car elle suppose un jugement de valeur a priori sur la lecture, s'appuyant nécessairement sur un outil d'évaluation à l'intérieur d'un système de valeurs, le plus souvent celui du groupe social dominant. Les systèmes de valeurs, ne relevant que de la pure croyance, sont susceptibles d'évoluer avec le temps, selon les cultures : une mauvaise lecture dans un pays donné peut être considérée comme bonne dans un autre… Sous cet angle, le choix de ses lectures peut être vu comme une sorte de rapport au pouvoir : il y a mauvaise lecture dès lors qu'il n'y a pas conformisme, dès lors qu'il y a déviance.
Mais on peut assez légitimement se demander s'il existe un « invariant culturel » dans ce domaine, autrement dit des lectures qui seront toujours mauvaises, par nature. Cela suppose de s'interroger sur ce qu'est réellement une lecture, et sur les critères qui fondent une bonne ou une mauvaise lecture. Après quoi, la question du censeur dans nos sociétés modernes pourra être posée. Notons par ailleurs que le mot lecture ne se restreint pas aux œuvres écrites : on peut faire la lecture d'un film, d'une œuvre d'art etc. Nous ne nous limiterons néanmoins ici qu'au premier cas.
[...] Cette vision peut conduire à la tyrannie et à une censure très importante, bafouant ainsi la liberté d'expression. A l'opposé, pour un homme autonome, il ne saurait y avoir de mauvaises lectures, donc de censure. Celle-ci est d'ailleurs un frein au développement de l'autonomie. Elle peut être légitime pour les enfants, dont la capacité d'autonomie est en construction. Pour eux, la raison des adultes devrait être le guide, le censeur : seul l'adulte peut savoir ce qui est bon pour l'enfant. [...]
[...] Finalement, la question d'éventuelles mauvaises lectures est l'équivalent de la question des mauvaises herbes en botanique : il n'y a pas de mauvaises herbes, seules des herbes indésirables existent ; de même, il n'y a pas de mauvaises lectures, il n'y a que des lectures indésirables, du point de vue d'un environnement socioculturel donné. Notons par ailleurs que cet encadrement n'est pas forcément le fait d'une majorité, qui formerait dans ce cas une tyrannie de la majorité sur la détermination des bonnes et mauvaises lectures, mais qu'il peut provenir d'un groupe social restreint. Ce fut le cas en URSS où la Nomenklatura, en tant que groupe social dominant et oppresseur, déterminait par le biais d'une très forte censure les mauvaises lectures. Ainsi, A. [...]
[...] Les bonnes lectures sont également celles qui apportent des réponses. Par exemple les contes, qui, au-delà de l'histoire imaginaire qu'ils proposent (qui peut éventuellement être aussi un critère de bonne lecture si elle est divertissante), ont un but pédagogique et épistémologique. Au contraire, les mauvaises lectures sont celles qui n'apportent rien, qui n'aident pas à clarifier une problématique. Ce sont également celles qui offrent de mauvaises orientations pour une vie morale ; j'entends ici une lecture qui entrerait en contradiction avec une morale universelle au sens d'Alain, par opposition à la morale nietzschéenne qui peut être soumise aux thèses relativistes du fait de son individualisation et de la subjectivité qui en découle. [...]
[...] Effectivement, les normes morales sont variables. Toutefois, il faut se méfier de cette vision qui néglige la possibilité de lectures universellement mauvaises ou universellement bonnes. En effet, quelle société pourrait considérer comme bonne une lecture telle que Mein Kampf ? Aucune, assurément, c'est pourquoi il faut se demander s'il n'existe pas des critères universels, des invariants culturels déterminant la hiérarchisation des lectures, D'un point de vue très général, en excluant donc les fluctuations morales des cultures, de bonnes lectures existent. [...]
[...] Une hiérarchie s'instaurerait alors entre les œuvres : les bonnes lectures seraient, d'un point de vue très général, les lectures enrichissantes, tandis que les mauvaises seraient des lectures malsaines, ou tout du moins déstabilisantes. Cette hiérarchisation ne peut se faire d'une façon objective car elle suppose un jugement de valeur a priori sur la lecture, s'appuyant nécessairement sur un outil d'évaluation à l'intérieur d'un système de valeurs, le plus souvent celui du groupe social dominant. Les systèmes de valeurs, ne relevant que de la pure croyance, sont susceptibles d'évoluer avec le temps, selon les cultures : une mauvaise lecture dans un pays donné peut être considérée comme bonne dans un autre Sous cet angle, le choix de ses lectures peut être vu comme une sorte de rapport au pouvoir : il y a mauvaise lecture dès lors qu'il n'y a pas conformisme, dès lors qu'il y a déviance. [...]
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