Marx est connu pour sa critique des conditions de travail des ouvriers de son temps. Il l'est moins pour son analyse philosophique de l'acte même du travail. Et pourtant, c'était au nom de la haute idée qu'il se faisait, philosophiquement, de ce qu'est le travail par essence qu'il pouvait dénoncer rationnement la façon, misérable, dont les hommes étaient alors contraints de travailler (...)
[...] En quoi l'homme, par son travail, modifie-t-il sa propre nature? Il développe son habileté manuelle. Il exerce son intelligence. Bergson confirmera l'intuition de Marx en montrant le passage de l'homo faber à l'homo sapiens, de l'homme qui travaille à l'homme qui pense. Avant lui Hegel déjà avait montré les effets, dialectiques, du travail du serviteur sur sa condition servile, donnant à penser que le serviteur recouvrait sa liberté grâce à son travail alors que le maître se plaçait sous la dépendance de son serviteur et hypothéquait ainsi sa propre liberté. [...]
[...] Marx, Le Capital, Livre I : Le travail Commentaire philosophique d'un extrait de l'ouvrage Le Capital, de Marx, (Livre consacré à une analyse philosophique du travail. Texte étudié Le travail est de prime abord un acte qui se passe entre l'homme et la nature. L'homme y joue lui-même vis-à-vis de la nature le rôle de puissance naturelle. Les forces dont son corps est doué, bras et jambes, tête et mains, il les met en mouvement, afin de s'assimiler des matières en leur donnant une forme utile à sa vie. [...]
[...] Sisyphe qui roule indéfiniment son rocher vers le sommet de la montagne ne "travaille" pas; son effort est vain - et par conséquent absurde . Modifiant la nature par son travail, l'homme façonne une nouvelle nature. Cette nouvelle nature, nous dit Marx, c'est la nature "assimilée" par l'homme. Que faut-il entendre par là? Il convient de prendre le verbe "assimiler" à la fois dans son sens étymologique et dans son sens physiologique: assimiler la nature, c'est se l'adapter à soi-même, la rendre en quelque façon "semblable". C'est dire que la nature travaillée renvoie à l'homme sa propre image, porte son empreinte. [...]
[...] Ainsi, si le travail de l'artisan est humanisant, en ce qu'il permet à celui-ci de développer sa créativité tout en lui permettant de vivre décemment, par contre le travail de l'O.S. risque fort d'être un travail dégradant, étant pure exécution de tâches pré- définies contre une rétribution plus que modique. On comprend que l'analyse de Marx ait pu stimuler la réflexion économique, sociale et politique, dans sa recherche, pour l'homme, d'une activité dans laquelle il puisse, tout en s'appropriant la nature, se perfectionner lui- même. Les errances de ses émules politiques ne doivent pas nous faire méconnaître l'intérêt de son travail philosophique ! [...]
[...] Marx s'efforce de dire, dans les limites que nous avons soulignées, ce qu'est le travail par essence: au fond, une activité qui "travaille à faire un homme en même temps qu'une chose", selon l'expression du philosophe personnaliste Emmanuel Mounier. Nous avons montré en quoi une telle façon de définir le travail pouvait permettre d'en dénoncer les formes aliénantes. En mettant l'accent sur la spécificité du travail humain, Marx décrivait le travail dans la pure idéalité de son essence. Sa "définition" n'a pas seulement une portée théorique. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture